Les chiffres annoncés hier à l'Assemblée populaire nationale par le premier ministre, Ahmed Ouyahia, donnent le vertige. Entre 2004 et 2007 seulement, l'investissement dans le pays a atteint 8000 milliards de dinars, soit 123 milliards de dollars. Les engagements du budget public sont évalués à 5300 milliards de dinars, l'équivalent en devises de 80 milliards de dollars consommés. La comptabilité du gouvernement ainsi faite, la question qui se pose est celle de savoir quel a été l'effet de ce gigantesque effort financier sur l'économie réelle ? Une grande partie de cet argent a été dépensée, il est vrai, dans la réalisation des infrastructures de base dont le pays a tant besoin, mais en dehors des hydrocarbures, l'économie réelle reste à créer. Et ce, même si l'exécutif tente d'afficher une bonne mine en déclarant une croissance de 6% pour ce secteur. L'Algérie, comme toujours, demeure presque totalement dépendante des recettes pétrolières. Le document portant le plan d'action du gouvernement le reconnaît. La situation est tellement claire que nul ne peut occulter deux faits majeurs qui démontrent que les responsables en charge de l'économie nationale ont échoué dans leur mission. Le volume de nos exportations hors hydrocarbures arrive bon an mal an à dépasser la barre du milliard de dollars. Quant à nos importations, elles ont atteint, les neuf premiers mois de l'année en cours, 27,98 milliards de dollars, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des douanes nationales (Cnis). La facture alimentaire, à elle seule, suffit à donner l'alerte rouge sur l'inexplicable incapacité du pays à assurer sa propre sécurité en la matière. Cette facture a dépassé largement les 5 milliards de dollars, en septembre dernier. Elle pourra facilement atteindre, selon des spécialistes, les 10 milliards de dollars en 2010. D'aucuns s'interrogent, en effet, comment, avec une trésorerie aussi abondante, la machine de production nationale n'a pas su se doter des mécanismes nécessaires pour son développement. La réponse ne se trouve pas uniquement dans les choix faits par les hautes autorités du pays, en cela qu'elles ont fondé, pendant des années, la stratégie de relance économique sur les investissements directs étrangers qui tardent à venir, ni dans la manière dont ont été conduites les réformes du système financier et de l'administration. En dépit de la foison de chiffres sur la bonne santé de l'économie nationale, livrés, pompeusement hier par le premier ministre, tout le monde peut, à la lecture de la réalité, mesurer l'étendue de l'échec avoué l'été dernier par le président Bouteflika lui-même. En effet, le secteur bancaire, qui devait constituer l'un des piliers de la relance économique, n'a pas connu la « révolution » promise par les différents ministres qui ont eu à se succéder à la tête du département des finances. Les institutions financières continuent à fonctionner selon la bonne vieille tradition algérienne : au coup de fil. Ce ne seront pas, en tout cas, les opérateurs économiques qui diront le contraire. Nombre d'entre eux se sont déjà plaints du manque de transparence et des lourdeurs bureaucratiques qui bloquent l'installation d'un climat d'affaires sain dans le pays. Autant les investisseurs nationaux sont pénalisés par cette situation dans laquelle l'Algérie semble s'installer pour longtemps, autant les opérateurs étrangers, qui pourtant ont manifesté leur volonté de s'y engager, ont fini par se résoudre à l'idée de n'y tenir qu'une activité commerciale. Inutile, alors, de rappeler l'épisode du constructeur automobile français Renault, qui a préféré implanter son usine au Maroc plutôt qu'en Algérie. Au point où en sont les choses, on ne voit absolument pas comment l'économie nationale pourra se soustraire du joug de sa dépendance des hydrocarbures. Et là, le plan Ouyahia ne fournit presque aucune lisibilité, sinon des assurances non fondées que la crise financière internationale et son corollaire, la récession économique, ne nous toucheront pas !