à l'occasion de la Journée nationale de La Casbah, une exposition picturale collective a eu lieu à la galerie Racim, dédiée à l'artiste peintre Mustapha Ben Debbagh, disparu il y a deux mois. El Hadj Mohamed Douadi et Khaled Kouadri, entre autres, ont accroché quelques-unes de leurs célèbres toiles représentant La Casbah. Ruelles, impasses et venelles sont le thème préféré de Kouadri. Dans la lignée du Caravage et de Rembrandt, il s'applique, encore et toujours, à transposer le clair-obscur, selon que le rayon oblique, lunaire ou solaire, luise faiblement ou illumine un pan de mur. Le peintre ne peut concevoir un tableau sans une présence humaine ; et seule une femme voilée, parfois un enfant, apporte cette note de vie et de fraîcheur dans un espace architectural étouffant et clos. Peinture figurative, les toiles de Kouadri font référence à une tradition classique et à des perspectives parfaites. Pas de fausses notes. Les portails bleus sont alignés et les porches suivent un tracé parfaitement rectiligne. La qualité du dessin, du détail, la précision des contours et des formes donnent parfois un charme désuet à cette ruelle d'un autre âge ; seule la féerie de la lumière, clair de lune inondant une façade, anime la toile et la rend accueillante, malgré les tons bleus, froids qui, parfois, deviennent sévères. Intense pouvoir de suggestion que celui d'un clair de lune ! Kouadri s'est imposé des contraintes picturales ; son unique thème demeure son seul amour : La Casbah. Intarissable sur le sujet, il rêve d'une Casbah réhabilitée, rénovée îlot après îlot, (il y en a 8). “C'est mon cheval de bataille”, dit-il. “Je rêve d'une Place du Tertre, comme celle de Montmartre, où les artistes peintres pourraient se rencontrer, dresser leurs chevalets et s'adonner à leur art... Je rêve de ruelles où les boutiques exposeraient tous les produits de l'artisanat algérien et où les artisans se regrouperaient par corporation. La villa Abdeltif est en rénovation. Les artistes peintres sont impatients de la réinvestir...” Mohamed Daoudi expose une dizaine de toiles, dont le thème central est La Casbah. Natif de La Casbah d'Alger, il fut élève de la Société des beaux-arts, de 1950 à 1956. Il obtint, seul élève algérien à l'époque, le premier prix et les félicitations de la ville d'Alger en 1956. Sa peinture figurative représente les rues de son enfance, Djamaâ Sidi Abdallah, la rue des Bouchers, Zankat Sidi Abdallah, la rue du Sphinx, les enfants de La Casbah, tels que les ont photographiées les ethnologues du début du XXe siècle : pieds nus, hirsutes et souriants…La Vue de l'Amirauté (2005) est la toile la plus récente. Intensité des couleurs, où les rouges sont somptueux et les bleus océaniques. Le Coin des non-voyants ou les Vieillards assis sur un muret sont d'un réalisme poignant. Mohamed Douadi se situe dans la lignée des Hamchaoui, Bencheikh, H'ssissene, Aïcha Hadddad, Safia Zoulid et Bourdine, dont certains sont des anciens de la Société des beaux- arts. Sa Maison mauresque (inspirée du Bastion 23) décrit l'espace clos, la matrice originelle, lieu de villégiature féminin par excellence, où la jeune femme accoudée à la boiserie de la balustrade entourant le patio laisse vagabonder ses pensées, pendant qu'une ombre masculine furtive, au loin, longe le mur pour atteindre la sortie par les escaliers, tel un intrus… L'homme a tout de même pris la peine de tousser, pour marquer sa présence et indiquer à la gent féminine, qu'il s'apprête à sortir, dans la rue, là où se situe, enfin, son territoire… Nora Sari