Alors que le prix du poulet semble reprendre son cours normal d'avant la "surmédicalisation" de la grippe aviaire, les alertes aux pigeons retrouvés morts sur la voie publique ou dans les espaces verts, un peu partout dans la ville, se succèdent au rythme de six ou sept sorties quotidiennes des spécialistes sur le terrain. Perçue comme une véritable menace mondiale, la grippe aviaire n'a pourtant pas d'emprise réelle chez le simple consommateur de la viande blanche. Dans différentes boucheries spécialisées, le constat est le même et le discours se veut rassurant. De 140 DA affichés au tout début de l'annonce “française” de la découverte des premiers cas d'oiseaux contaminés morts sur son territoire, le kilogramme du poulet flirte de nouveau avec les 190 DA habituels et les clients ne semblent pas déserter les étals. Certains bouchers n'hésitent plus à parler de retour à la normale de leur activité depuis une semaine, une hypothèse que l'on veut certitude avec le bond enregistré chez les éleveurs du prix du kilogramme du poulet de chair qui passe de 80 à 130 DA. Pourtant, cette vision “optimiste” de la crise n'est pas partagée par le Dr Hassini Tsaki, chef de département de biologie à l'université d'Oran, qui explique cette embellie par une conjoncture économique passagère propre au fonctionnement interne de la filière avicole. Celui qui est membre fondateur du Groupe interdisciplinaire de réflexion et de vigilance contre la grippe aviaire dénonce la gestion de la psychose née au lendemain de la découverte du H5N1 et qui se répercute de plein fouet sur la filière avicole, l'abandonnant à la lisière de l'asphyxie économique. “Le peu d'informations nationales sur le sujet a laissé le champ libre à l'exposition aux médias étrangers qui excellent dans la surenchère alarmiste du phénomène”, dira en substance le Dr Tsaki. “Le seul moyen d'émerger est de mettre en place une stratégie de démystification de la maladie à l'adresse du grand public pour sauver la filière”, conclura-t-il. Si les premières estimations font état de près de 200 000 familles vivant directement ou indirectement du marché de la volaille qui risquent de se retrouver sur la touche, on parle d'ores et déjà de 70% de pertes dans la filière avicole. Une économie bancale qui vient s'ajouter aux risques réels que font peser les oiseaux migrateurs de passage dans le ciel algérien.“Le danger peut venir de n'importe quelle espèce estivante.” Cette déclaration est celle d'un responsable de la Conservation des forêts de la wilaya d'Oran qui estime qu'en plus des pigeons suspects, les hirondelles qui s'apprêtent prochainement à envahir les zones humides d'Oran peuvent constituer un danger. Cependant et malgré cette psychose entretenue par les 50 000 oiseaux sauvages recensés répartis sur 10, voire 20 espèces, aucun cas de découverte de grippe aviaire n'a été déclaré officiellement. Et sur les 34 000 hectares qui constituent le territoire des 10 zones humides que compte la wilaya d'Oran, aucun cadavre d'oiseau sauvage n'a été ramassé par les équipes qui procèdent aux prélèvements d'oiseaux d'eau, généralement des canards, au niveau du lac Télamine (Gdyel), de Dayet El Baqret (Tafraoui) ou de Dayet Oum Rhelaz (Oued Tlélat) entre autres zones humides. Sur le terrain, 6 ou 7 alertes sont enregistrées chaque jour, et ce, depuis 3 semaines, par le poste de commandement installé à la DSA et les vétérinaires de se déplacer sur place pour procéder aux prélèvements d'organes. Généralement, l'alerte est donnée par des particuliers à la découverte d'un cadavre de pigeon. L'autopsie est alors pratiquée sur place et les organes sont acheminés vers le laboratoire vétérinaire de Tlemcen pour analyse. Pas plus tard qu'hier, deux alertes ont été enregistrées suite à la découverte de cas suspects à Hassi Bounif et au centre d'Oran. “Le confinement de la volaille et la fermeture des abattoirs clandestins sont pour le moment les seuls armes de prévention à aiguiser pour rester vigilants devant le danger de la grippe aviaire.” Cette constatation est du docteur vétérinaire Lahdiri, l'un des rares spécialistes en pathologie aviaire qui estime qu'un contact prolongé avec une volaille atteinte peut exposer les gens à un risque de contamination. “Quoique minime, ce risque existe”, dira t-il. Saïd Oussad