J'ai reçu un client ce matin qui m'a affirmé que de nombreux pigeons étaient morts. J'ai tenté d'appeler la direction des services vétérinaires, mais personne ne répond », explique le vétérinaire de la clinique de Chéraga. Le client en question habite une villa haut perchée à Oued Romane et se nomme Hadjal Saïd. Il a laissé ses coordonnées au vétérinaire qui l'a informé de la visite d'un journaliste. M. Hadjal, la cinquantaine environ, nous attend près de sa maison. Sa villa, toujours en construction, domine le paysage qui s'étend à perte de vue sur un parc et des espaces verts. A l'étage, sur une terrasse, une cage à pigeons surplombe le décor. « J'ai perdu une trentaine de pigeons en une semaine. Il m'en reste quatre dont deux qui ont l'air malade. Je suis inquiet avec ce qu'on dit sur la grippe aviaire et je ne savais pas quoi faire. » A part ses pigeons qu'il élève, personne n'est malade chez lui. Une femme d'un certain âge et un enfant sont avec lui sur les lieux. « Regardez celui-là comment il se comporte », montre-t-il du doigt. En effet, le pigeon tourne sur lui-même et semble avoir perdu le sens de l'orientation. Plus gros qu'un pigeon sauvage, les plumes blanches et quelques taches grises, l'oiseau tournoie. Il tente un envol. Mais retombe. Il redéploie ses ailes, prend de l'altitude et se dirige directement sur le mur. Il se fracasse contre la brique et retombe puis recommence de plus belle. L'autre pigeon que l'éleveur a préféré garder en cage tourne en rond. Pas comme un fauve énervé, mais plutôt comme un animal désorienté. « Il y a une semaine encore, la terrasse était pleine de pigeons. Aujourd'hui, il ne m'en reste que quatre, et à mon avis, les deux malades ne passeront pas la nuit », prédit l'éleveur. Il ajoute que la région est peuplée de pigeons sauvages qui se réfugient sur le toit de l'entreprise de margarine qui se trouve en face. « Aujourd'hui, il n'en reste que quelques-uns », explique M. Hadjal. Les cadavres de pigeons qui venaient mourir sur sa terrasse, il les a jetés avec les ordures. Parole d'éleveur « Ils ne sont pas morts d'un coup, mais j'en trouvais tous les jours au moins trois ou quatre. Je les ai jetés dans la benne à ordures. » Sans précaution. « J'ai entendu parler de la grippe aviaire et c'est pour cela que je suis allé voir le vétérinaire qui soigne mes chiens. Je ne savais pas quoi faire », répète-t-il. Le vétérinaire non plus n'était pas informé de la procédure à suivre lorsque ce type de cas se présente à lui. « Je refuse de voir l'animal mais j'ai tenté d'informer la direction des services vétérinaires. » Mais personne ne répond. C'est par nos soins que la gendarmerie d'El Achour est informée de l'événement. Le chef brigadier qui est sur place prétend à son tour qu'une réunion s'est tenue le matin même avec le wali sur le sujet de la grippe aviaire et de la procédure à suivre. L'affaire semble être prise en charge et les gendarmes promettent d'agir rapidement. C'est peu dire puisqu'en l'espace de quelques heures, les gendarmes suivis du président de l'APC d'El Achour et de deux vétérinaires attachés à l'APC sont sur les lieux. Chez M. Hadjal. De là, le président de l'APC, M. Bentaïbi, me téléphone pour m'informer de la prise en charge de l'affaire. « Nous avons effectivement vu les pigeons malades mais nous ne pouvons affirmer que trente autres sont morts. C'est la parole de M. Hadjal. Nous avons, par mesure de précaution, pris les oiseaux et les avons emmenés au laboratoire central d'El Harrach pour analyse. Il ne faut pas dramatiser la situation qui risque de créer un mouvement de panique », explique le président au téléphone. La panique, en effet, ne mène à rien et rien ne vient confirmer l'hypothèse de la grippe aviaire. Mais rien ne peut l'infirmer non plus hormis les analyses qui seront pratiquées. Le vétérinaire sur place, le docteur Sades, explique : « Au vu des symptômes que présentent les pigeons malades, ce peut être une maladie parasitaire. Mais cela pourrait aussi être la grippe aviaire. » Nous en saurons davantage après les résultats des examens des deux pigeons malades. M. Hadjal aurait-il surestimé le nombre de ses oiseaux morts ? Y a-t-il au contraire sous-estimation de l'affaire du côté des autorités pour éviter tout vent de panique ? L'adage prétend, cependant : « Mieux vaut prévenir que guérir. » Et dans le cas d'une pandémie, il n'y a pas de guérison.