La poésie étreint la ville qui semble ne pas vouloir se défaire d'un sentiment de tragédie. À travers le cinéma, Alger et le septième art algérien seront à l'honneur du 17e festival Travelling de Rennes, dans l'ouest de la France. Ouvert, hier, dans la capitale de la Bretagne, ce festival évoquera jusqu'au 14 mars “la guerre d'Algérie”, “le cinéma au féminin” ou encore “l'Algérie vue par les cinéastes vivant en France”. Avant Alger, le festival avait braqué ses feux sur Téhéran, Marseille et Helsinki. Le dernier choix s'est imposé aux organisateurs du festival à cause de “la présence très forte de l'Algérie dans actualité” et de “l'émergence d'un nouveau cinéma algérien”, explique Anne Le Hénaff, coordinatrice artistique du festival. On veut savoir ce que racontent les films qui ont choisi Alger comme cadre ou comme élément central de leur histoire. Que disent-ils ? Et qu'évitent-ils de dire ? “Le désir est grand de s'interroger sur le statut des femmes ou encore sur les nouvelles générations à l'heure de la réconciliation nationale”, expliquent les organisateurs. “Nous avons fait un travail de fourmi pour avoir accès aux films. Beaucoup ont été produits entre 1962 et 1990, mais il y a eu peu de travail de préservation, et certains étaient dans un triste état”, souligne Mme Le Hénaff, qui, grâce notamment au concours de la Cinémathèque algérienne, a réuni une centaine de films, sélectionnés selon plusieurs thèmes. De Pepe le Moko (Duvivier, 1937), à Exils (Tony Gatlif, 2004), en passant par La bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo, 1996), L'étranger (Visconti, 1967), ou Viva L'Aldjerie (Nadir Moknèche, 2003), dix-huit longs métrages évoqueront la ville d'Alger à travers sa géographie, son histoire et ses habitants. Quatre films de Merzak Allouache, invité du festival, seront également proposés, dont Salut cousin (1996) et Bab el-Oued City (1993). Plus d'une vingtaine de films de fiction (Le petit soldat, de Jean-Luc Godard, L'Opium et le Bâton, de Ahmed Rachedi, La trahison, de Philippe Faucon), ou documentaires (La guerre sans nom, de Bertrand Tavernier) témoigneront ainsi de “La guerre de Libération d'Algérie”. Mohamed Lakhdar-Hamina sera lui aussi présent au festival. Quatre de ses films seront projetés, dont Le vent des Aurès (1966), et Chronique des années de braise (1975), Palme d'or à Cannes. Six films et documentaires du cinéaste René Vautier, qui vit dans la petite ville côtière de Cancale près de Rennes, seront également projetés, en présence de l'auteur de Avoir 20 ans dans les Aurès (1971). Les femmes dans le cinéma, femmes engagées, militantes ou témoins de l'histoire, seront également à l'honneur avec une rétrospective sur l'évolution de la représentation de la femme algérienne au cinéma, et des œuvres de réalisatrices comme Assia Djebar, première femme algérienne à passer derrière la caméra en 1978, ou Yamina Benguigui (Mémoires d'immigrés, Inch'Allah dimanche). Parmi les autres thèmes évoqués, “Le renouveau du cinéma algérien”, après les années noires 1990-2000, permettra de découvrir la production de jeunes réalisateurs algériens, tandis que Algérie(s) plurielles présentera l'Algérie vue par des cinéastes vivant en France, comme Malik Chibane (Douce France) ou Dominique Cabrera (De l'autre côté de la mer). Travelling est un festival de cinéma mais il permettra d'évoquer Alger sous d'autres formes. La chanson, la photo et l'architecture. Yacine KENZY