Pour sa 17e édition, le festival de Rennes a choisi pour embarcation cinématographique Alger comme cité-images. Le festival Travelling célèbre chaque année une ville du monde à travers son cinéma. Pour cette 17e édition après Téhéran, Marseille et Helsinki elle embarque pour Alger. Le festival proposera un regard sur quarante années de production cinématographique algérienne, toutes catégories confondues. En effet, du 4 au 14 mars 2006, des cinéastes algériens et français de toutes les générations seront présents à Rennes (France) pour y présenter leurs films et rencontrer le public. En présence de Aziz Boukroni, responsable de la programmation au sein de la cinémathèque algérienne, Anne Le Henaff, Mirabelle Freville et Guillaume Fournier, responsables du festival, nous ont déroulé hier le programme de la manifestation. D'abord pourquoi Alger? «Alger est au coeur de l'actualité en France, nos liens douloureux avec notre passé commun, en plus d'être un pays en reconstruction, tout nous a poussé à nous intéresser à Alger. En plus, l'Année de l'Algérie en France passée, nous avons pensé montrer d'autres films, d'autres images de cette ville, pas forcément connus en France», expliquera en préambule Anne Le Henaff. Cet intérêt est dû en outre au renouveau certain du cinéma algérien à travers l'accueil favorable des critiques pour des films comme Viva Laldjérie de Nadir Moknache, Rachida de Yamina Bachir Chouikh ou encore Cousins de Lyès Salem. Et de renchérir: «Alger est un pays en effervescence, qui reprend ses droits. Il y a la vie. Cependant, notre objectif n'est pas de donner un regard exhaustif de la cinématographie algérienne». Aussi, le but de ce festival, nous affirme-t-on, est de découvrir un pays à travers son histoire mais aussi sa culture, sa société, son architecture ou ses identités et ce, par le biais de l'image. Autrement revisiter Alger par ses différentes facettes. Un hommage aussi sera rendu à Merzak Allouache, Mohamed Chouikh et Mohamed Lakhdar Hamina avec la présentation de plusieurs de leurs films en leur présence. «La guerre d'Algérie, regards croisés» est un autre thème qui sera développé par le biais d'une série de films consacrés à la guerre de Libération en y opposant une lecture donnée par le cinéma français. Des réalisateurs incontournables seront appelés à en débattre: Jean-Pierre Lledo, René Vautier, Pierre Clément... Autre sujet qui sera traité celui des femmes face et derrière la caméra. A propos de l'éveil de la femme en tant que cinéaste ici et ailleurs : du document au droit d'accéder à la fiction, de part et d'autre de la Méditerranée. Prendront alors la parole notamment Yamina Benguigui, Djamila Sahraoui, etc. Le jeune cinéma algérien sera représenté par Malek Bensmaïl à titre d'exemple ou encore dans la catégorie court métrage par Echos des stades d'Abdelkader Ensaâd, Oranges de Yahia Mouzahim, Rumeurs, etc. de Mohamed Latrèche... A propos, «Travelling» quittera Alger le temps de deux compétitions de courts métrages. La première présentera une sélection d'oeuvres francophones axées sur l'univers urbain. La seconde verra un jury d'enfants remettre un nouvel Eléphant d'or à une production européenne, adaptée aux plus jeunes. La section Junior de ce festival, qui boucle cette année sa 10e édition, continuera à susciter le goût pour le meilleur dès le plus jeune âge, et ce, par l'organisation d'ateliers, rencontres et animations, pour la découverte des coulisses du cinéma. Au programme de cette édition 2006, plus de cinquante films, longs et courts, un ciné-baby, des avant-premières et des films venus de l'autre bord de la Méditerranée. Une invitation à la découverte des cultures du Maghreb qui, une fois n'est pas coutume, sortira des salles de cinéma conventionnelles pour aller au plus près du public dans les quartiers populaires et autres. Notons que ce festival, dont le mérite revient à ses organisateurs, ne se fait pas sans contraintes en raison du manque de copies de films algériens distribués en France, de l'impossibilité de sous-titrer les films par manque de budget, sans parler de la défectuosité d'une bonne partie des copies en Algérie à défaut d'un dépôt, à même de conserver nos archives qui constituent notre patrimoine. «Le provisoire a duré 40 ans, nous n'avons pas de système de conservation des archives», souligne Aziz Bokroni. En effet, nous révèle-t-on, «certaines copies sont tellement détruites qu'on ne peut pas les diffuser». Et M.Bokroni de poursuivre: «Le plus important c'est de voir le maximum de films algériens. On a inventorié le maximum de films depuis 1963 à nos jours». Et de confier le projet de la cinémathèque: «On compte récupérer de l'Entv les films en 16 mm et les transférer en cassette ou en DVD pour les inclure dans les archives de la cinémathèque». Pour rappel, nos archives sont à nos jours déposées dans un appartement situé à la rue Debussy, dans des conditions déplorables. Enfin, le but principal de ce festival, hormis de «consommer» le plus grand nombre de films algériens, est de susciter cette «prise de conscience» à même d'impulser nos jeunes cinéastes à redoubler d'activité et faire en sorte que leurs films voient le jour et soient projetés. Tel est le but essentiel pour faire redéployer le 7e art en Algérie.