On ne reconnaît plus la ville de Zéralda, cette coquette cité, à quelques encablures de la capitale, réputée pour son calme et son côté “villégiature”. Hier soir, l'avenue du 1er-Novembre, en plein cœur de la ville, ressemblait à un véritable champ de bataille. Des pierres, des poteaux arrachés, des madriers, des troncs d'arbre jonchaient cette rue sous le regard toujours vigilant des brigades antiémeutes postées en plusieurs endroits. Des jeunes et des vieux se constituaient en grappes éparses regardant la scène tandis que les éléments de la Protection civile s'affairaient encore à éteindre les derniers petits foyers de feu de l'édifice qui abrite la BDL. Des émeutes ont, en effet, éclaté hier, aux alentours de 18 heures, en réaction à la mort tôt dans la matinée d'un jeune pour une “histoire de mœurs”, dans les locaux d'un commissariat de police, selon plusieurs témoignages recueillis sur place. Pendant plus de deux heures, Zéralda a vécu au rythme “de jets de pierres” et de colère. Bilan des escarmouches : une dizaine de blessés dont sept policiers, selon des témoins, dix-huit blessés, selon un membre des services de sécurité qui s'est exprimé sous le sceau de l'anonymat. Si le calme est perceptible en ce début de soirée d'hier, à l'heure où nous mettons sous presse, le décor témoigne que Zéralda a vécu un après-midi particulier. Il était dix-huit heures, raconte un témoin, lorsque des groupes de jeunes, venus de plusieurs endroits de la ville, visiblement informés, se retrouvent dans ce boulevard dont le nom évoque, par certains aspects, une colère mais d'une autre nature, pour exprimer leur mécontentement et vitupérer contre les auteurs de l'assassinat de l'un des enfants de la ville. “Il y a certaines brebis galeuses parmi la police. Ce sont des fils du peuple comme nous, mais certains abusent. Ecrivez-le !”, fulmine un quadragénaire. “Le jeune qu'ils viennent de tuer était un travailleur et contrairement à ce qu'ils disent, ce n'est pas un drogué”, témoigne-t-il. “Il y a quatre jours, il pleurait devant le commissariat”, raconte un jeune, proche de la trentaine, dans un accès de nervosité. “À qui va-t-on se plaindre ?” dit-il comme pour justifier implicitement ce qui venait de se passer. À l'hôpital de la ville, une effervescence particulière s'est emparée des travailleurs à telle enseigne que même le directeur de l'établissement, pris visiblement de panique, a refusé même de nous communiquer le nombre de blessés. “Je ne connais pas le nombre !” Zéralda aura connu, en l'espace de deux heures, une poussée de fièvre que seule une enquête sérieuse sur la mort du jeune Fayçal pourrait apaiser. KARIM KEBIR