Assad Si El Hachemi a rejoint le staff du festival du film amazigh dès sa création en 1999. Il vient d'être nommé officiellement commissaire de ce festival bien qu'il ait déjà tenu ce rôle. Il revient sur certains aspects et changements du festival. Liberté : Vous venez d'être nommé commissaire du Festival annuel du film amazigh par la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi. Votre nomination intervient après la reconnaissance officielle de ce festival. Quelle est votre appréciation ? Assad Si El Hachemi : Cet acte de reconnaissance officiel du Festival du film amazigh est, à mon sens, l'aboutissement avant tout de l'effort institutionnel entamé depuis quelques années par le Haut-Commissariat à l'amazighité et le ministère de la Culture avec ses structures placées sous tutelle : Cinémathèque, BNA, Cnca, Onda... Ce cadre de travail est accompagné par mon engagement personnel et celui du staff qui a travaillé bénévolement avec moi durant six éditions. Le dénominateur commun qui nous réunit pour cette belle aventure c'est la passion pour le cinéma et l'engagement pour la réhabilitation et la promotion de tamazight par le moyen du son et de l'image. C'est cet état d'esprit qui a fait émerger cet édifice qu'est le festival. Il est porteur d'espoir et honore l'Algérie, car nous lui avons tracé une ligne éditoriale originale à même de refléter la mosaïque linguistique et culturelle de notre pays. Le festival s'est imposé, au fil des années, avec notamment des rencontres organisées avec des producteurs nationaux et étrangers. Quel bilan en faites-vous aujourd'hui ? Depuis la première édition en 1999, nous avons engagé un ensemble de défis et c'est, justement, cet état d'esprit qui anime le staff organisateur du festival. Le premier défi est de maintenir cet itinérance du festival. Et, je me réjouis de cet exploit car déplacer un festival nécessite une mobilisation humaine et logistique importante. Il y a aussi l'effort et la persévérance dans les préparatifs qui doivent se faire à chaque fois en s'adaptant au terrain et aux spécificités culturelles et sociologiques de chaque ville qui nous accueille. Chaque escale de notre festival est une aventure pour la bonne cause en donnant un nouveau souffle pour les salles de cinéma qui accueillent la manifestation (l'exemple d'Oran et de Ghardaïa est édifiant). Le deuxième défi est d'établir pour chaque édition une programmation différente des précédentes. C'est ainsi que nous avons innové en instituant des trophées, “Olivier d'or et d'argent ” et, à chaque fois, nous n'intégrons que des films nouveaux, connaissant les conditions dans lesquelles ils sont réalisés. Votre festival accorde un intérêt particulier à la formation. Parlez-nous un peu de cette expérience et quel est l'objectif final ? Favoriser cet axe dans le cadre de la programmation du festival est, à mon sens, une démarche réfléchie. Cela a nécessité un important volume de travail de coordination nécessaire pour régler les problèmes d'intendance, définir le contenu des stages et les modalités d'intervention des réalisateurs, étudier le profil des stagiaires, rassembler le matériel. Convaincus de l'intérêt de cette action, des réalisateurs étrangers ont collaboré avec nous et ont accepté de travailler bénévolement durant les deux éditions passées. Ces professionnels ont tous un parcours de créateur et une grande expérience des ateliers de pratique artistique. Le dernier stage organisé dans le cadre de notre festival est axé sur le documentaire avec une participation active des stagiaires à toutes les étapes de la réalisation d'un film, de la conception au montage. Des films de 5 à 15 minutes ont été réalisés par les stagiaires eux-mêmes. C'est un peu l'obligation de résultat pour moi. Quels sont vos projets immédiats ? La tenue d'une deuxième étape de la formation initiée dans le cadre du Festival du film amazigh qui s'est tenu à Ghardaïa du 26 au 31 décembre 2005 est certainement une nécessité. Il n'est pas question d'abandonner le groupe déjà formé et initié. Il faut continuer ce travail entamé. L'avenir c'est aussi cette relève qu'il faut préparer. Notre démarche pédagogique est d'approfondir ce travail entrepris depuis les éditions passées. Je réitère ma volonté de donner à ces stagiaires les moyens logistiques et intellectuels qui leur permettront de réaliser leur projet et, pour se faire, de continuer à les conseiller en concertation avec des professionnels du domaine. Dans quelques jours, c'est le lancement des ateliers autour de l'écriture des scénarios. Ces ateliers ont pour but de confronter les jeunes auteurs aux réalités de production : rapport coût/durée, rapport sujet/moyens techniques, mais aussi d'obtenir une critique sur leur travail afin d'évoluer dans leur projet. Y a-t-il des projets destinés aux enfants ? Les ateliers pour enfants sont aussi une première dans le cadre de notre festival. L'expérience de Ghardaïa est à renouveler mais peut-être sous une autre formule. Les encadreurs que j'ai engagés sur ce projet ne ménagent aucun effort pour faire découvrir le 7e art aux initiés et de contribuer à la compréhension du processus de création d'un film. Pour les prochaines éditions, nos enfants peuvent participer activement aux différents ateliers sur l'image par la création de folioscopes, thaumatropes, praxinoscopes de film en pixilation à partir d'un appareil photo. Ils découvriront les techniques du cinéma et l'analyse filmique à partir de programmes de courts métrages sélectionnés. Si on revient sur la question du prototype du “film amazigh”. Quelle est votre conception sur ce sujet ? Le film amazigh ne peut en aucun cas se différencier des autres cinématographies du monde passé et présent. Toutefois, il porte d'une manière forte le corollaire de la culture orale. Cette tradition dite de “bouche à oreille” reste vivante dans l'environnement amazigh. Elle constitue le réservoir duquel puisent les cinéastes qui font les films en tamazight et sur le monde amazigh. Ils y trouvent des structures narratives, un mode de pensée à même de servir dans l'écriture. Pour continuer à exister, le film amazigh doit sans cesse et de manière fascinante, s'adapter, contourner, se questionner, se professionnaliser, prendre parfois une forme hybride. Le cinéma donc évolue sans cesse ; c'est lié à la nature même de la pensée humaine. Ce n'est pas un hasard si la vidéo est apparue d'une manière dense comme support de tournage des fictions en remplacement du film 35 mm : l'adoption de la vidéo est une réponse économique à un désir d'images. Avez-vous des questionnements par ce regain d'intérêt pour le cinéma amazigh ? Je m'intéresse justement à ce thème précis pour expliquer les motivations des réalisateurs algériens à produire des films en tamazight. Quels sont les discours et les lectures qu'ils font par rapport au processus de la réhabilitation de l'amazighité en Algérie ? Ça fera l'objet d'une publication prochaine. F. B.