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“Arrêtons de diaboliser les créateurs de richesses”
Table ronde sur le partenariat public-privé
Publié dans Liberté le 08 - 03 - 2006

Les intervenants dans le débat soulignent l'importance des alliances entre entreprises publiques et privées en vue d'accroître les investissements en Algérie.
Le partenariat entre l'entreprise publique algérienne et l'entreprise privée, elle aussi algérienne, est-il envisageable ? En théorie rien ne l'interdit, mais dans la pratique, sur le terrain, les pouvoirs publics semblent encourager plutôt le partenariat entre des entreprises publiques algériennes et des entreprises étrangères. C'est du moins le constat dressé par des responsables d'entreprises publiques et privées invités hier du forum du quotidien El Moudjahid.
Tous interpellent les pouvoirs publics, dont les représentants étaient malheureusement absents lors de cette table ronde, sur la nécessité “de dépasser le cadre de suspicion” concernant le partenariat entre l'entreprise publique et l'entreprise privée algérienne. Le président-directeur général du groupe pharmaceutique Saidal, Ali Aoun, le dit clairement. “Dès qu'il s‘agit de partenariat entre le public et le privé algérien, il est tout de suite frappé de suspicion”, regrette-t-il.
L'argument souvent évoqué de transfert de technologie et de savoir-faire pour justifier le choix de partenaires étrangers est battu en brèche par les intervenants. “La technologie aujourd'hui s'achète”, argumente-t-il. Qu'est-ce qui empêche alors la réalisation de ce type de partenariat ? Pour le président-directeur général de Cevital, Issad Rebrab, le problème est “d‘abord d'ordre mental”. Dans les mentalités de certains décideurs, “il y a la peur de la grande entreprise”. Pourtant tous les pays développés encouragent aujourd'hui la création de grandes entreprises. Pourquoi ? Parce que, explique le patron de Cevital, “ce sont les grandes entreprises qui peuvent défendre l'économie nationale au niveau international. En outre, à travers la sous-traitance, la grande entreprise suscite la création d'une multitude de petites et moyennes entreprises”. M. Rebrab cite l'exemple de la Corée du sud qui, dans les années 60, ne réalisait qu'un PNB de 100 dollars par habitant. Aujourd'hui son PNB par habitant est de 1 200 dollars grâce à 5 entreprises familiales qui, au fil des années, sont devenues des multinationales.
Le patron de Cevital évoque LG, qui réalise 10% du PNB de la Corée du sud, et représente 14% des exportations de ce pays. Il y a aussi Samsung qui fait un chiffre d'affaires supérieur au PNB de l'Algérie. Ces exemples font dire au président-directeur général de Cevital que “ce sont les grandes entreprises qui tirent l'économie d'un pays vers le haut”. “On ne doit pas avoir peur des grandes entreprises”, souligne-t-il. La chine, par exemple, projette que dans 10 années sur les 50 entreprises les plus importantes dans le monde, 10 seraient chinoises, peu importe si elles sont publiques ou privées. Deng Xiaoping, ancien secrétaire général du parti communiste chinois, réformateur, disait “peu importe la couleur d'un chat, pourvu qu'il attrape les souris”. Peu importe que l'entreprise soit privée ou publique pour peu qu'elle crée de la richesse. L'Etat, à travers la fiscalité, est le premier actionnaire de l'entreprise privée. La diabolisation des créateurs de richesses doit donc disparaître d'autant que l'Algérie affiche clairement son penchant pour une économie de marché libérale. Des entreprises privées sont intéressées à nouer des relations de partenariat avec des entreprises publiques. Mais en dépit de cet intérêt, on continue à favoriser et à encourager les partenariats entre des entreprises publiques algériennes et des entreprises étrangères, et pas entre l'entreprise publique algérienne et l'entreprise privée algérienne.
Le P-DG de Saidal estime que c'est d'abord une question de volonté politique. Ali Aoun, avec son franc-parler, soutient que le processus de partenariat et de privatisation tel qu'il est conduit actuellement, cession au prix coûtant, maintien de l'activité et de l'emploi, n'a aucune chance d'aboutir. Il faut, suggère-t-il, aller vite tant que l'outil de production est encore relativement valable. “Il faut aller vers d'autres critères”, souligne M. Aoun. D'un autre côté, le P-DG de Saidal plaide pour que les facilités accordées aux investissements directs étrangers soient octroyées aussi aux partenariats public et privé. Ali Aoun fait référence à un rapport de la banque mondiale qui souligne la nécessité de favoriser le partenariat public et privé. Il rappelle aussi la déclaration du président de la république lors de la conférence des cadres, où il est fait état de la nécessité et de l'urgence, pour palier la défection des IDE, d'aller vers l'encouragement d'investissements privés en collaboration avec le public. Cette vision est partagée par le responsable de la CIPA, M. M'hini, qui affirme que son organisation avait introduit 13 demandes de reprise d'entités économiques. “Nous attendons toujours la réponse”.
Pour le P-DG de Sim, M. Ezzraimi, ce qui devrait intéresser les pouvoirs publics, dans une opération de privatisation, c'est plutôt la mise à niveau de l'entreprise. Du coup, on devrait exiger du repreneur un bussines plan. Mais au-delà des opérations de privatisation et de partenariat, c'est toute la question de la stratégie industrielle qui fait défaut en Algérie, pour paraphraser M. Chahboub de la SNVI. Ce dernier estime que des privés algériens ont pris suffisamment de surface et sont à même d'apporter la technologie et les financements nécessaires auparavant recherchés chez les étrangers.
Mais la conviction de Ali Aoun est que “l'environnement ne favorise pas ce type d'alliance”.
Meziane Rabhi


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