La peinture de Baya serait née d'un rêve qu'elle avait fait adolescente. Qu'importe s'il faut trouver un mythe fondateur à une carrière, à un talent ou à un personnage. La famille de la défunte peintre, représentée par son fils Othmane, et la galerie des arts de la Sonatrach ont donné une nouvelle occasion, 8 Mars oblige, de voir ou de revoir les toiles de Baya, exécutées entre 1947 et 1998. Ces œuvres sont les images qui défilent lorsque l'éveil cède la place à l'inconscient et qu'un monde merveilleux remplace celui de l'enfant, orpheline à l'âge de cinq ans. En cela, Baya est restée une éternelle enfant grandissant dans son propre univers. Sa peinture se situe à la lisière entre le figuratif et l'abstrait, entre le visible et l'inspiration, sortie tout droit de son imaginaire peuplé d'êtres fantastiques, mais toujours relié au réel, par l'entremise d'une végétation luxuriante et de femmes aux formes généreuses et hautement colorées. Dans son œuvre intitulée Paysage avec rivière, par exemple, des oiseaux fabuleux partagent le même espace que des poissons tout aussi imaginaires. Il en ressort une vision du monde qui pourrait être partagée par chacun, pourvu que dans le sommeil, ou même devant l'effroi qu'inspire un monde bien réel, reviennent ces scènes que rien ne semble rattacher à la raison. Et ces superpositions de plans, comme si la perspective n'avait pas encore été inventée, et qui rappellent les mappemondes des premiers géographes faites d'amoncellement d'océans et de continents. Ce trait particulier de la peinture de Baya n'a pas échappé aux premiers surréalistes, dont André Breton, lors de sa première exposition à Paris en 1947, et qui en avait alors rédigé la préface. Baya est morte le 9 novembre 1998 à l'âge de 67 ans. Elle est considérée comme celle qui a contribué à la naissance de l'art moderne en Algérie. Et cela n'est ni un songe ni un mythe. SAMIR BENMALEK