Décidément, à chaque fois que la tension entre le Maroc et l'Algérie monte au sujet du conflit du Sahara occidental, le royaume alaouite enfourche son cheval de bataille préféré, à savoir la revendication des territoires de l'Ouest et du Sud-Ouest algériens, pour détourner l'attention. Après le Front de libération de l'est du Maroc, qui avait revendiqué la récupération d'une bonne partie de l'Ouest et du Sud-Ouest algériens, et dont l'instigateur avait été condamné par la justice marocaine, une association marocaine remet le sujet au goût du jour à travers une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, au gouvernement français et au ministère marocain des affaires étrangères. Dans cette correspondance, rendue publique par le journal marocain As Sabah, ses auteurs demandent à Kofi Annan de “restituer” au Maroc la partie des territoires algériens qu'ils appellent “le Sahara oriental” et qui se compose de la Saoura, du Touat et de Tidikelt. Ils affirment que ces zones avaient été occupées et annexées par la France en 1836. Cette association, inconnue jusque-là, sollicite le secrétaire général des Nations unies pour convoquer le conseil de sécurité, afin qu'une série de mesures soient prises pour “protéger les habitants autochtones et les richesses de ces régions de l'agression qui dure depuis quatre décennies après la fin du protectorat français”. Les instigateurs de cette nouvelle manœuvre marocaine affirment même avoir mené des opérations armées contre “l'occupation algérienne” pour libérer ces territoires. Dans la copie transmise aux autorités françaises, il est demandé “de passer à l'action pour vider les territoires concernés des Algériens”. Il s'agit là d'assertions graves, devant lesquelles les autorités marocaines ne doivent pas rester silencieuses, et qui ne peuvent qu'envenimer davantage les relations algéro-marocaines. En effet, l'absence de réaction des officiels marocains, alors que leur ministère des affaires étrangères a été destinataire d'une copie de la lettre adressée par cette association à Kofi Annan et à l'Elysée, peut être interprétée comme une caution à ce genre d'initiatives, alors que Rabat, bien que tardivement, a ratifié les accords sur les frontières algéro-marocaines conclus en 1973. Pour rappel, arguant de l'absence d'un Parlement, feu Hassan II avait ratifié lui-même ces accords en 1989 en sa qualité de souverain avant que l'assemblée marocaine ne le fasse officiellement en 1992. Ceci étant, les Marocains ont toujours trouvé des échappatoires pour différer aux calendes grecques l'opération de bornage des frontières comme le demande Alger. Il est clair que Rabat lie la concrétisation de ce projet avec le règlement du conflit du Sahara occidental. Sur ce point, le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, a appelé l'Onu à intervenir pour “empêcher” une visite pressentie du roi du Maroc, Mohammed VI, dans les territoires occupés du Sahara occidental. Dans une lettre au secrétaire général de l'Onu, M. Kofi Annan, le chef de l'Etat sahraoui rappelle que le Sahara occidental, “territoire non autonome, se trouve toujours sous la responsabilité légale, morale et effective des Nations unies”. Une telle visite, si elle venait à avoir lieu, “constituera une véritable provocation et ne manquera pas d'avoir des conséquences néfastes sur les perspectives d'une solution pacifique du conflit et sur la sécurité et la stabilité de la région”, indique le patron du Front Polisario. Il met en garde également sur le fait que cette visite sera “l'occasion idéale pour renforcer l'état exceptionnel instauré par les autorités marocaines dans les territoires sahraouis occupés, qui prive, depuis fort longtemps, la population de son droit au respect et à la dignité humaine”. Le déplacement de Mohammed VI constituera, selon le président sahraoui, “une opportunité pour vanter les mérites de ce que le Maroc appelle communément l'initiative de l'autonomie, qui n'est rien d'autre qu'un discours passé en désuétude et une manœuvre visant à contourner le droit international”. Il conclura sa correspondance en insistant sur le fait que l'initiative marocaine, “que le Front Polisario et le peuple sahraoui rejettent dans sa globalité comme dans ses détails, réduit à néant les efforts et les principes d'une solution onusienne et constitue une contradiction flagrante de la Charte des Nations unies”. K. ABDELKAMEL