Hier matin, un groupe de femmes accompagnées d'enfants a assiégé le siège de la wilaya pour protester contre son exclusion de la liste des bénéficiaires. Depuis plusieurs semaines, les rassemblements de citoyens dans l'attente de logements, que ce soit ceux relevant du programme de logement social ou du RHP, ne cessent d'avoir lieu sous l'œil vigilant de la police. Devant la daïra ou devant le siège de la wilaya, chaque semaine, ce sont donc des dizaines de femmes qui se regroupent réclamant des audiences et des solutions rapides à leur situation extrêmement précaire. Hier matin, sur les marches du siège de la wilaya d'Oran, une vingtaine de femmes, accompagnées pour certaines de leurs enfants, se retrouve pour exiger une audience au wali. Venues de la commune d'Es Senia, ces femmes contestent le supplément de contribution financière qui a été exigé par les autorités pour l'achat de logements entrant dans le cadre du RHP. Ce sont pas moins de 100 familles qui sont concernées par cette situation. “Nous vivons depuis 16 ans dans des baraques de fortune, des constructions illicites, au niveau de la commune d'Es Senia à Kara II. En 2005, nous avons été inscrits pour l'obtention de logements RHP. Nous devions verser en deux fois 20 millions ; aujourd'hui, ils nous disent qu'il faut verser encore 60 millions parce qu'il n'y a plus de RHP...”, raconte l'une des manifestantes. Exhibant leurs documents et des photos des taudis dans lesquels elles vivent, toutes ces femmes se mettent à parler en même temps, déversant dans un flot de paroles leur misère, leur ras-le-bol, leur fatigue. “Pour réunir les 20 millions, nous avons tous emprunté de l'argent, vendu nos bijoux et tout ce que l'on pouvait avoir de valeur ! Où veulent-ils que l'on trouve 60 millions en plus ?” diront-elles. Et certaines d'ajouter : “Ils veulent nous enlever le RHP. Le chef de daïra d'Es Senia que nous avons vu nous a renvoyées au wali en disant "khateni"!” Tenant par la main leurs enfants, ces femmes, l'allure et le visage marqués par la misère et la dureté de la vie, veulent témoigner dans le journal pour dire leurs conditions de vie :“Nous vivons au milieu des rats, des taupes, dans les égouts. En hiver, nous sommes envahis par l'eau et la boue… Nos enfants ne peuvent pas avoir de scolarité normale, ils ont tous de mauvaises notes. Les autres élèves se moquent d'eux, les maltraitent parce qu'ils vivent dans des baraques ! Jusqu'à quand va durer cette situation de misère. Où est "el iza oua el karama", comme disait le président ?” Pendant plusieurs heures, ces femmes sont restées ainsi debout à attendre une hypothétique rencontre avec le wali. Les agents de police, présents sur place, ne les ont pas laissées accéder au siège de la wilaya. “Vous devez faire une lettre où vous expliquerez votre problème, elle sera transmise au wali…” Telle est la réponse, la seule d'ailleurs, qu'elles ont eue. Ne démordant pas, nous avons laissé ces femmes, en milieu de matinée, faisant toujours le pied de grue face à la wilaya. Durant les semaines précédentes, ce sont d'autres rassemblements qui ont eu lieu, comme celui qui s'est déroulé le 18 mars dernier face à la daïra d'Oran. Ce jour-là, les manifestants étaient très nombreux, près d'une centaine. Dans leur cas, ce sont des demandeurs de logements sociaux exclus des listes des bénéficiaires. Pourtant, comme ils nous l'on raconté, la plupart d'entre eux ont des demandes qui remonte à 1975, “au temps de Boumediene !” nous lance une vieille femme. À travers ces manifestations, ces femmes dénoncent, en fait, le système d'attribution mis en place par les autorités locales qui donnent des logement à des demandeurs de 2001. “La plupart sont de faux demandeurs, ils ont revendu leurs logements à 100 millions et nous, qui vivons dans des bâtiments qui menacent ruine, ils ne nous donnent rien ! Il faut des enquêtes…” Au bord de la crise, les manifestants ont menacé de squatter des logements achevés à haï Sabah.La ville d'Oran n'en finit pas de se débattre dans les problèmes liés au logement social, en dépit des nombreux programmes de construction qui ont été lancés ces 5 dernière années. Car, en fait, ces programmes de logements ont visé les couches moyennes de la société, le logement social ayant été abandonné. Tel est le résultat aujourd'hui : une pression sociale ingérable et explosive. F. Boumediene