Les membres des églises sont désormais tenus de signaler leurs déplacements. Le dispositif est en place depuis l'adoption de l'ordonnance d'application de la charte. Un nouveau dispositif sécuritaire vient d'être mis en place par les autorités algériennes pour assurer la sécurité des représentants des deux Eglises, catholique et protestante, d'Algérie. Les membres de la communauté chrétienne sont tenus de respecter, avons-nous appris de sources diplomatiques, un “dispositif sécuritaire renforcé” depuis l'adoption la semaine passée de l'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ainsi que de l'ordonnance relative aux conditions et règles régissant la pratique des rites religieux non musulmans. Ce dispositif sécuritaire, mis en place à l'échelle nationale, coïncide avec la commémoration du 10e anniversaire de la mort des 7 moines de Tibhirine, dossier qui a longtemps empoisonné les relations algéro-françaises. Selon les mêmes sources, les “membres des deux églises sont tenus d'informer la police de tout déplacement éventuel”. Chacun de leurs voyages ou trajets à l'intérieur du pays se fera dorénavant sous “escorte” des forces de l'ordre. “C'est un dispositif assez contraignant et imposant qui restreint de fait le mode de déplacement des religieux et des religieuses”, précise un diplomate. Dans les faits, le moine trappiste résidant à Alger, qui s'occupe deux fois par semaine de l'entretien des jardins et des habitations du Monastère de Notre Dame de l'Atlas, à Tibhirine, depuis l'évacuation des lieux après l'enlèvement dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 de sept membres de la communauté cistercienne, est soumis à ce dispositif. Il ne peut se rendre d'Alger à Tibhirine, selon nos sources, sans escorte sécuritaire. Les religieux eux, sont très “circonspects” face à ce nouveau dispositif. Habitués à œuvrer dans la discrétion et en se mêlant aux populations musulmanes, un tel dispositif les dérange quelque peu. “Aujourd'hui, les religieux se retrouvent encadrés, pratiquement coupés de leur mission première qui est la bienfaisance et l'assistance, dans la retenue et l'humilité, aux populations locales. Ils sont dans le wait and see. Ils observent et attendent de voir”, précise une source diplomatique. Selon Monseigneur Henri Teissier, l'archevêque d'Alger et le chef spirituel de l'Eglise catholique d'Algérie, “depuis 15 jours, l'état algérien nous a interdit d'aller à Tibhirine. Nous n'avons le droit de nous y rendre que sous escorte”. Au niveau des chancelleries occidentales, ce changement dans la prise en charge des membres des deux églises est observé avec prudence. Les observateurs s'interrogent aujourd'hui sur les raisons qui ont poussé les autorités algériennes et en particulier les responsables du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, à durcir le dispositif sécuritaire. Et ce, d'autant qu'aucune requête soumise en ce sens par les chefs spirituels des deux églises n'est parvenue au ministère des Affaires religieuses et des Wafks. Jusqu'à présent, aucune menace n'avait été expressément identifiée à l'encontre des membres de la communauté chrétienne. “Est-ce qu'il y a réellement aujourd'hui une inquiétude quant à la sécurité des représentants des deux églises après la mise en œuvre de la charte et la libération des membres de groupes terroristes ou s'agit-il simplement d'un moyen de contrôler l'activité des deux Eglises ? Il s'agit là d'une arme à double tranchant”, remarque un observateur. Il s'avère, selon des sources sécuritaires, de mesures préventives “momentanées” qui viennent du fait que les autorités craignent que des groupes terroristes restants exploitent la commémoration de la 10e année de la tragédie du monastère de Tibhirine afin de perpétrer un attentat surtout que l'on signale un “dangereux” individu en déplacement, localisé sur l'axe entre Tissemsilt et Médéa. Alger craint également que cette commémoration, qui sera l'occasion pour certains milieux en France de mettre encore une fois en accusation l'Algérie, n'incite les terroristes à monter une “opération spectaculaire” et faire “un coup médiatique”. La situation est telle que certains n'hésitent pas à associer à ce dispositif renforcé, les campagnes d'évangélisation ainsi que les amalgames véhiculés à ce sujet sur l'Eglise catholique et l'Eglise protestante d'Algérie. Alger ne veut pas que les commémorations de l'affaire des 7 moines de Tibhirine tourne à un autre drame surtout au regard du contexte délicat actuel. Samar smati et Rafik benkaci Lire la suite du dossier en cliquant ici