L'intervention, dans les colonnes de Liberté, du ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Yahia Guidoum, qui a déclaré que “nous n'avons pas d'entraîneurs de haut niveau” en Algérie, n'est pas restée sans réaction. Des entraîneurs, contactés par nos soins, ont tenu à affirmer leur désapprobation et indiquer que c'est là “une fuite en avant et une dépréciation injuste des techniciens algériens”. D'autres, en revanche, ont refusé de commenter la sortie médiatique de M. Guidoum arguant que ça ne sert à rien de répondre à ce genre de déclaration sachant que “M. Guidoum change d'opinion au gré des humeurs, car un jour il dit une chose et un autre il dit son contraire”. Une chose est sûre en revanche, “l'attaque en règle” de M. Guidoum soulève un tollé général. Toutefois, d'autres ne sont pas contre le recrutement de techniciens étrangers. Ils estiment que c'est là une expérience qui peut être féconde pour peu que les conditions de travail soient améliorées, surtout sur le plan de l'infrastructure. Mais ils avertissent : “Ils ne faut pas perdre de vue aussi que l'Egypte et le Maroc ont réussi à être respectivement champion et vice-champion d'Afrique avec des techniciens locaux.” HAMID ZOUBA “Un entraîneur étranger ne peut rien faire en Algérie” L'ancien directeur technique national, Hamid Zouba, est catégorique : “Un entraîneur étranger, quelles que soient sa valeur et sa compétence, ne peut rien faire en Algérie pour le moment, car, tout simplement, nous n'avons rien à lui offrir comme conditions de travail.” Pour Zouba, qui précise qu'il n'a rien contre cette éventualité à long terme, “il faut d'abord régler la crise infrastructurelle et organisationnelle au sein du football national avant de parler d'apport de techniciens étrangers. Que voulez-vous qu'un Trapatoni vienne faire en Algérie quand vous savez que l'EN n'a même pas de terrain pour s'entraîner ? Au-delà de la rareté des talents, il y a une question d'outils de travail qui se pose avec acuité et ça, c'est fondamental”. En outre, Zouba s'élève contre “cette dépréciation injuste du technicien algérien comme s'il était la raison de tous les maux. C'est une fuite en avant et une tentative désespérée de chercher des boucs émissaires à un échec d'une politique sportive qui nous a menés à la ruine. Depuis la réforme sportive de 1976, les politiques ont ignoré le sport et le football en particulier. Aujourd'hui, ils essayent d'expliquer les mauvais résultats par l'absence de compétences d'encadrement, c'est tout simplement faux”. Et d'ajouter : “Il est temps d'en finir avec la polémique stérile autour de la dualité entre l'entraîneur local et celui étranger et s'attaquer au vrais maux du football qui nécessitent une volonté politique. Au lieu d'accabler le technicien algérien et tenter de lui faire porter le chapeau pour absorber la colère populaire, les responsables du MJS seraient mieux inspirés de convaincre les décideurs du pays à réellement aider notre football à sortir de l'ornière. Le reste ce ne sont que des constats.” “Le sport, en général, a besoin de plan de réforme urgent et non pas de solutions de replâtrage. Sans cela, point de salut !” conclut-il. S. B. MUSTAPHA HEDDANE “Nos entraîneurs ont déjà fait leurs preuves” L'entraîneur Mustapha Heddane, qui avait dirigé plusieurs clubs nationaux de divisions I et II, a défendu avec force les compétences nationales. Selon lui, le technicien du cru a fait ses preuves dans le passé. “L'entraîneur algérien a prouvé ses compétences à plusieurs reprises. D'ailleurs, les lettres de noblesse de notre football ont été écrites par nos entraîneurs”, fait remarquer Heddane qui, afin d'étayer ses propos, cite plusieurs exemples. “Les titres continentaux de nos clubs ont été dans la majorité remportés par des coaches algériens”, rappelle-t-il, tout en revenant à la Coupe d'Afrique des nations, en 1990 à Alger, remportée haut la main par les Verts, sans parler de la participation honorable de l'Algérie aux phases finales de la Coupe du monde (1982 et 1986). À ce propos, il dira : “Les meilleurs résultats de l'équipe d'Algérie ont été réalisés par des techniciens nationaux.” Si le technicien local n'était pas de bonne qualité, ceci serait donc relatif, d'après lui, au contexte algérien actuel. En parlant de la régression de notre football ces dernières années, Heddane estime que cette situation est la résultante de l'insuffisance des moyens de travail et de l'absence de stabilité. “Je pense que le mal de notre football est beaucoup plus profond”, souligne-t-il, avant de renchérir : “Pourquoi imputer la défaite à l'entraîneur, alors que dans la victoire il est complètement ignoré ? En fait, le travail doit s'effectuer en équipe, c'est-à-dire la gestion, le matériel, l'infrastructure. Et Monsieur le Ministre doit bien le savoir, lui, en sa qualité de chirurgien lorsqu'il est appelé à opérer un patient ! Dans cette mission, il a besoin de tout son staff et du matériel correspondant pour réussir son intervention.” Concernant le problème de la formation, Heddane avoue : “Oui, les jeunes ne travaillent pas suffisamment par rapport, justement, à ce manque de moyens. Les créneaux horaires qui leur sont réservés sont utilisés simultanément par toutes les catégories.” Cependant, Heddane affirme ne pas être contre le recrutement de coaches étrangers, mais il faut leur adjoindre des entraîneurs locaux pour assurer la continuité. K. Y. NOURREDDINE SAÂDI “Les décideurs ont la mémoire courte !” “Nos décideurs ont la mémoire courte”, dixit Nouredine Saâdi qui rappelle que “les années glorieuses de notre football algérien, que ce soit au niveau de l'équipe nationale ou celui des clubs, ont été faites par nos entraîneurs locaux”. C'est en ces termes que l'actuel coach du Mouloudia d'Alger a voulu réagir suite à la dernière sortie médiatique du patron du MJS, M. Yahia Guidoum, à propos de la qualité des techniciens du cru. Saâdi enchaîne : “Je me demande comment ces gens peuvent penser que nous ne pouvons pas faire le poids en ce moment, alors que nous étions très bons auparavant. C'est archifaux.” Et d'ajouter : “La commission de travail de la FAF et du MJS, qui était chargée de définir les critères du prochain sélectionneur national, est passée complètement à côté”. Il considère la décision de cette dernière commission d'opter pour un entraîneur étranger de “complexe et de fuite démagogique”. “Les décideurs font ce qu'ils veulent. Ils sont libres de dépenser encore des dollars pour un entraîneur étranger, mais il ne faut pas toucher à la dignité des gens. Je travaille depuis 24 ans et je n'ai rien à me reprocher”. Notre interlocuteur soutient mordicus que “c'est la manière dont notre football est géré qui explique son niveau actuel. Il ne faut surtout pas porter le chapeau aux entraîneurs”. Nouredine Saâdi estime, également, que le choix d'un entraîneur étranger est une sorte de fuite en avant si les vrais problèmes qui rongent notre sport roi ne sont pas solutionnés. “Je pense que nous sommes en train de refaire les mêmes erreurs du passé. Je l'ai dit et je le soutiens toujours, que la seule issue qui pourrait nous faire sortir de la crise est de s'occuper sérieusement de nos jeunes catégories. Nous n'avons pas de bons joueurs capables de représenter dignement le pays. Il faut donc penser et travailler pour l'avenir, car nous ne pouvons pas avoir des résultats dans l'immédiat”. M. B. RACHID BOUARATA “Nous avons les compétences requises !” Tout comme ses pairs, l'ex-coach adjoint de la sélection nationale de football, Rachid Bouarata, a pris la défense des entraîneurs algériens qui, selon lui, “ont les qualifications et les compétences requises pour prendre en charge les destinées de redressement du football national pourvu qu'on leur fournisse les mêmes moyens qu'on accorde souvent à l'entraîneur étranger”. Ainsi, il a qualifié “d'inadmissible et d'inacceptable” le fait de faire croire que l'entraîneur algérien n'a pas les critères nécessaires pour postuler au poste de sélectionneur national. Pour preuve, poursuit-il, “les plus belles pages du football national ont été écrites, jusqu'à preuve du contraire, par des techniciens algériens : les années 75, 79, 82, 86 et 90 sont là pour l'attester”. “Imputer la faiblesse du niveau de football national aux seuls entraîneurs relève d'une analyse d'une insoutenable légèreté. Les conditions de travail lamentables d'exercice du métier d'entraîneur en Algérie constituent le véritable argument à faire valoir pour justifier le niveau actuel : inexistences de terrains d'entraînement et de compétition conformes aux exigences requises pour une pratique footballistique de haut niveau, gestion calamiteuse des ressources humaines avec, comme conséquences, une prise en charge approximative…”, se lamente-t-il encore. Bouarata n'a pas manqué, cependant, d'en vouloir “à la corporation des entraîneurs pour le silence complaisant dans lequel elle se confine”. En évoquant la question de l'entraîneur étranger que les pouvoirs publics comptent recruter, Bouarata s'interroge : “Je répondrai par la question suivante : est-ce qu'on a procédé à une évaluation diagnostique de l'état des lieux ? Si c'est le cas, avec qui a-t-elle été faite ? Est-ce qu'on a associé les techniciens algériens, qui sont habilités à donner leur avis sur la chose technique ? Ceux qui ont procédé à cette évaluation, ont-ils les compétences et les qualifications nécessaires pour procéder à ce genre d'évaluation ?”. K. Y. Mourad Abdelouahab “C'est une question de moyens” “Avant de parler de nomination d'un entraîneur étranger à la tête de la sélection nationale, il faut d'abord essayer de comprendre pourquoi on est arrivé à cette situation. À ce que je sache, ce sont les coaches nationaux qui ont toujours qualifié les Verts aux différentes phases finales de la CAN ou du Mondial. Si la commission ad hoc, installée récemment par le MJS, a conclu qu'il n'y a pas d'entraîneur national capable de prendre en charge la sélection nationale, c'est qu'elle doit avoir ses raisons. Toutefois, je me permettrai de dire que si on donne les mêmes moyens à nos entraîneurs comme cela a été fait auparavant avec les étrangers qui se sont succédé à la tête des Verts, ils pourront relever le défi et faire du bon boulot. Chez nous, dès qu'un entraîneur est installé, les immixtions et autres injonctions lui font chambouler son plan de travail. Il sera obligé, dans la plupart des cas, de s'y plier au détriment de son programme. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour les étrangers qui bénéficient de carte blanche dès leur installation. Je suis convaincu et persuadé qu'il y a des compétences très élevées chez nous, pour peu qu'on les mette dans les meilleures conditions afin de prouver qu'ils sont aussi valables que les étrangers. S'ils ont la liberté de s'exprimer sur le terrain comme leurs collègues étrangers, ils sont capables de redresser au mieux la situation de notre football. Le problème, aujourd'hui, n'est pas de nommer un national ou un étranger à la tête des Verts, mais de savoir comment sortir de cette situation qui ne cesse d'empirer. Nous sommes à l'ère de la mondialisation ; il n'y a aucun complexe à ramener un étranger, mais à condition qu'il soit de renom et qu'il ne se consacre pas uniquement au volet de la sélection, il faut qu'il s'implique dans la formation et le suivi des joueurs. Ce sont là quelques aspects que je développe à la hâte, sinon, il y a beaucoup à dire sur ce sujet qui tient en haleine toutes les compétences nationales.” R. A.