Il n'y avait pas que les quatre cents victimes dans le carnage de Had Chekala et Ramka, mais mille. C'est le Premier ministre d'alors et de maintenant qui le révèle et qui justifie la diminution du bilan du massacre. Si le réflexe de dissimulation a joué à Relizane, c'est qu'il a joué à Bentalha, Raïs et dans l'histoire officielle de toute la décennie noire. La confession ne fait que confirmer une tendance consubstantielle du pouvoir à étouffer la réalité pour présenter au peuple et au monde une vérité magique. C'est son discours qui tient lieu de réel. Pendant la décennie noire, nos partenaires ne nous croyaient pas parce que le baril de pétrole était à dix dollars ; aujourd'hui, non seulement ils nous croient, mais ils appuient nos déclarations officielles parce que le baril vaut soixante-dix dollars. Le client est roi, c'est un principe de management occidental. Et ce n'est pas le président Borell qui, au nom de la Communauté européenne, risque de contredire le principe. Avant même de soutenir Zappatero dans ses avances réconciliatrices envers l'ETA, il a trouvé plus urgent d'appuyer notre “réconciliation”. C'est touchant comme notre paix passe avant la quiétude de sa patrie. Voyant que les autorités algériennes hésitent à poursuivre le processus dans lequel elles se sont engagées avec l'Europe, il préfère, plutôt que de faire des concessions commerciales, nous offrir des gages politiques. Comme celui d'authentifier la liberté de presse dans notre pays et de témoigner à charge contre Mohamed Benchicou. Aujourd'hui, nous n'avons même plus besoin de retoucher les faits, comme en 1998, à propos de l'épisode sanglant de Ramka. D'ailleurs, on les rectifie dans le sens de la vérité. On n'a plus rien à cacher quand on a un pouvoir d'achat à exhiber. C'est le meilleur argument de politique international. Un pays exotique n'a pas à être moderne et démocratique ; on lui demande d'être riche et bon consommateur. Un Président élu à 82% au Belarus, c'est une dictature ; un Président élu à 84% en Algérie, c'est “une élection qui ne souffre d'aucune contestation”, n'est-ce pas Monsieur Chirac ? Il n'est pas attendu des partenaires occidentaux d'influer sur l'évolution des pays du tiers-monde. Ce n'est ni leur souci, ni leur vocation, ni leur devoir. Mais il est étrange que l'univers entier trouve, par exemple, pertinente l'idée de relâcher des terroristes dont certains ont massacré des centaines d'enfants en une nuit — de la Russie qui n'a que le souci d'écouler ses armes à l'Amérique qui joue au shérif antiterroriste international — et se sente dans l'obligation d'y apporter son soutien ! Il y a dix ans, on refusait de nous vendre “même des cartouches”, disait Nezzar. Au nom des droits de l'Homme et de… notre insolvabilité. Aujourd'hui, on ne voit que les soixante ou quatre vingt milliards que nous avons à dépenser. On peut donc tout dire et tout faire. Un lâcher de cinq ours dans les Pyrénées a ému la France entière, et l'Europe entière nous a félicités d'avoir ouvert la porte à trois mille terroristes. M. H.