Ses gestes et paroles sont scrutés à la loupe. On essaie de les décrypter pour tenter de découvrir ce qui s'y cache. Beaucoup le croit en “réserve” de la République. Une sorte de carte politique que l'on sortira un jour ou l'autre. Mouloud Hamrouche, l'homme des réformes, a parlé hier. Sa dernière sortie médiatique remonte déjà à un peu moins d'une année lorsqu'il avait été invité par la Coordination nationale des cadres de la finance et de la comptabilité à disserter sur le sujet de la privatisation des entreprises publiques. C'est dire que les interventions publiques de l'ancien Chef du gouvernement sous Chadli sont devenues tellement rares qu'elles suscitent toujours une certaine curiosité. Plus encore, elles deviennent l'objet d'un intérêt un peu particulier car, pour beaucoup, ces apparitions ne sont jamais fortuites. Il est vrai que l'homme, apparemment aigri par tous les évènements qu'il a vécus depuis son départ de la chefferie du gouvernement, a habitué son monde à être peu loquace. Mais ses gestes et paroles sont scrutés à la loupe. On essaie de les décrypter pour tenter de découvrir ce qui s'y cache. Beaucoup le croit à la “réserve” de la République. Une sorte de carte politique que l'on sortira un jour ou l'autre. Bref, quelles que soient ses déclarations, Hamrouche ne laisse pas indifférent. En effet, même s'il s'est astreint à un silence qui est devenu une seconde nature chez lui, il y a visiblement de ces occasions qu'il ne veut rater pour rien au monde. Des opportunités, au fait, qui lui permettent selon toute vraisemblance de dire à ceux qui l'auraient déjà enterré politiquement qu'il est toujours là. Hier, il était à l'hôtel Riadh de Sidi-Fredj où il a animé une conférence sur invitation de la direction du MSP qui y tenait un séminaire sur “l'évolution de la compétition politique”. Si dans son intervention liminaire, l'homme des réformes a préféré aborder le sujet sous son aspect strictement théorique, tout en distillant quelques messages sur la réalité algérienne, cela n'a pas été le cas dans le court débat qui a suivi, les questions pertinentes des militants du MSP n'ont pas manqué de le sortir de sa réserve. Assailli donc par ces “journalistes d'un jour”, l'ancien Chef du gouvernement ne pouvait demeurer sourd à leur curiosité, au risque d'entamer sa crédibilité à leurs yeux. L'air toujours serein, Hamrouche hausse le ton pour assener son constat. “L'Algérie a échoué dans son projet de développement. Elle a échoué dans son multipartisme politique et dans son adaptation à la mondialisation. Le pays a ajouté de nouveaux obstacles et impasses à ceux qui existaient déjà”, estime-t-il brossant un tableau sombre de la situation et des perspectives du pays. “Contrairement à l'époque où j'étais à la tête du gouvernement, aujourd'hui, il y a beaucoup d'argent dans les caisses, mais nous n'avons pas les mains libres”, explique-t-il. Décochant au passage des flèches empoisonnées à l'égard de la méthode de gouvernance version Bouteflika, Hamrouche est revenu, dans sa réplique, sur “les cercles occultes” qui continuent, d'après lui, à faire la pluie et le beau temps en Algérie. “Les dossiers chauds ou sensibles sont conçus au sein des cercles occultes, et les institutions officielles n'ont en fin de compte d'institutions que le nom”, relève-t-il. Tout en fustigeant le pouvoir absolu qui ouvre, précise-t-il, la voie à tous les excès, l'orateur a contesté les légitimités historique et révolutionnaire “avancées par certains pour justifier l'arrivée ou le maintien au pouvoir”. Dans sa conception, le mandat de l'élu est “limité et conditionné”. Interrogé à propos de l'alliance gouvernementale, l'ancien Chef du gouvernement, visiblement gêné, s'est contenté de dire qu'“elle réduit le champ de compétition politique”. Hamid Saïdani