En préférant Jens Lehmann à Oliver Kahn pour le Mondial-2006 de football, le sélectionneur de l'équipe d'Allemagne, Jùrgen Klinsmann, a conforté ses ambitions résolument offensives pour le jeu de la Mannschaft et affirmé un peu plus son indépendance à l'égard du très influent Bayern Munich. Vingt mois après sa nomination au poste de sélectionneur, Klinsmann a mis en place vendredi la dernière pièce du mécanisme qui doit permettre à l'Allemagne de remporter le 9 juillet à Berlin la quatrième Coupe du monde de son histoire. Cette pièce mesure 1,90 m pour 87 kg, affiche 29 sélections en équipe d'Allemagne, a remporté un titre de champion d'Angleterre en 2004 avec Arsenal et vient de se qualifier pour les demi-finales de la Ligue des champions, sans avoir encaissé un seul but. Et peu importe, si Lehmann, 36 ans, n'a aucune expérience, comme titulaire, d'un tournoi international : aux yeux de Klinsmann, l'ancien gardien de Schalke 04 et de Dortmund est le socle indispensable au style incisif et rapide qu'il tente d'instiller à la Mannschaft depuis août 2004. Doté d'un excellent jeu de pied, endossant volontiers le rôle de libero et habitué en club à relancer au plus vite, Lehmann apporte dans le schéma tactique “klinsmannien” bien plus qu'un Kahn, pourtant redoutable “stoppeur” sur la ligne de but et très respecté, voire craint de ses coéquipiers. Autre avantage de taille de Lehmann, à Arsenal depuis 2003, ses prestations depuis le début de l'année 2006 en Ligue des champions. Et ce, derrière une défense jeune et inexpérimentée, avec le Suisse Philippe Senderos, 21 ans, et l'Ivoirien Kolo Touré, 25 ans, dans l'axe central, qui n'est pas sans rappeler celle mise en place par Klinsmann autour de Per Mertesacker, 22 ans. Même s'il s'en défend et a donné aux deux gardiens quasiment le même temps de jeu (12 matches et 18 buts encaissés pour Kahn, 11 matches et 14 buts encaissés pour Lehmann), Klinsmann s'est sans doute retrouvé en Lehmann, qui, lui aussi, a dû s'expatrier d'abord sans succès en Italie, puis en Angleterre, pour obtenir un début de reconnaissance en Allemagne. “Dès la nomination de Klinsmann, Kahn n'avait aucun chance”, affirme même Lothar Matthaùs, capitaine de l'équipe d'Allemagne sacrée en 1990 et... ennemi intime de Klinsmann. S'il ne garde pas de son passage au Bayern Munich' entre 1995 et 1997' un excellent souvenir, Klinsmann n'a pas mené de vendetta personnelle contre le club bavarois, comme pourraient le suggérer ses premières décisions de sélectionneur : destitution de Kahn comme capitaine, départ de Sepp Maier, le portier des champions du monde de 1974, entraîneur des gardiens en sélection et très pro-Kahn. “La concurrence est nécessaire pour que chacun progresse”, martelait-il en août 2004 à propos de l'alternance instituée entre les deux gardiens. Un credo auquel il s'est tenu jusqu'à vendredi et qui l'exposera encore plus à l'intransigeance du Bayern Munich en cas d'échec lors du Mondial.