Le politologue sahraoui Ahmed Khalil ne cache pas son scepticisme quant au contenu du rapport de Kofi Annan et de la prochaine résolution du conseil. Les Nations unies s'acheminent vers une nouvelle prorogation du mandat de sa mission chargée du référendum au Sahara Occidental (Minurso). Les dernières déclarations du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, à l'origine du retrait du projet marocain sur l'autonomie du Sahara Occidental, de même que celles notamment de M. Moratinos, ministre espagnol des Affaires étrangères, du Quai d'Orsay et des autorités de la Rasd confortent cette perspective. De plus, avec le regain d'intérêt des Etats-Unis au règlement de la question sahraouie dans “le cadre de la légalité internationale”, il faut donc s'attendre au retour au plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental (plan Baker), adopté à l'unanimité par le Conseil de sécurité en 2003, qui devra faire l'objet, cette fois-ci, de négociations entre les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario. Le politologue sahraoui Ahmed Khalil ne cache pas son scepticisme quant au contenu du rapport de Kofi Annan et de la prochaine résolution du conseil. D'après lui, la prolongation du mandat de la Minurso et les “nouveaux paragraphes” qui y seront introduits pour appeler les deux parties à trouver “un accord négocié” risquent d'encourager l'occupant marocain qui cherche à gagner du temps. “Ce qu'on ne dit pas assez, c'est que le plan Baker s'est voulu une solution médiane, mais il a introduit l'autonomie comme une alternative avalisée par le Conseil de sécurité. Il s'agit là d'une déviation du règlement d'un cas de décolonisation qui ouvre le chemin à une 3e voie. Par ailleurs, le Maroc a renié ses engagements et revient à sa première stratégie de “marocanité” du Sahara, en 1999, une fois que l'ONU s'est dotée d'une liste de votants potentiels”, révèle l'expert sahraoui. Ce dernier rappelle, en outre, que la partie du plan Baker, critiquée par le Maroc, se rapporte à la création d'une autorité sahraouie, en réalité “un gouvernement sahraoui autonome” que Rabat qualifie d'“Etat dans un Etat”. “Le Maroc ne peut pas rejeter indéfiniment le plan Baker, il se prépare alors à le modifier”, précise notre interlocuteur. Plus loin, il indique : Le Maroc vient de créer le conseil royal consultatif dans les territoires occupés sahraouis, présidé par Khalihna Ould Rachid, qui représente la tendance pour l'autonomie du Sahara élargie aux régions marocaines du Sud, contrairement à la tendance Hadrami qui, elle, voudrait limiter l'autonomie au territoire de la Rasd, mais avec l'arrière-pensée de couper les pro-Polisario du sud marocain des territoires sahraouis occupés. Le Maroc cherche donc à imposer ce conseil consultatif comme partenaire sahraoui unique ou comme l'un des partenaires sahraouis de l'intérieur aux côtés des représentants légitimes du Polisario ; comme quoi ces derniers seraient les Sahraouis de l'extérieur ! L'objectif de la démarche est de compliquer le problème et gagner du temps, pour exclure le référendum et avaliser l'idée de partition du territoire, sinon organiser un référendum qui confirmerait la “marocanité” du Sahara Occidental. À moins que les Sahraouis rejettent le conseil consultatif et reviennent à leur stratégie initiale : “la libération nationale pour le recouvrement de leur indépendance”. Sur un autre chapitre, M. Khalil prédit que d'ici la fin de l'année, Rabat et ses soutiens s'investiront dans deux événements, le prochain sommet de l'UA (en Gambie) et la rencontre UA-UE sur le phénomène de migration. Selon lui, “tout sera fait pour intégrer le Maroc à l'UA et, avec lui, sa vision sur le Sahara Occidental” et pour “acculer la Rasd en l'excluant de la réunion avec l'Europe, comme cela s'est produit il y a quelques années”. “Les déclarations de Moratinos ne sont-elles pas un lapsus révélateur des intentions, notamment de l'Espagne et de la France d'exclure la Rasd ?” suggère-t-il. Hafida Ameyar