Le secteur de l'habitat en Algérie doit désormais entrer dans la phase de la productivité, notamment pour la réalisation des programmes de logements. Tous les ingrédients sont, en effet, réunis pour atteindre cet objectif. Les résultats enregistrés jusque-là ne reflètent guère la situation favorable dont jouit le secteur depuis ces trois dernières années. De par les enveloppes prévues dans le cadre du plan de soutien à la relance économique à travers ses deux parties et les budgets conséquents qu'ils lui sont alloués, l'habitat devrait normalement atténuer d'une manière sensible la crise qu'il a toujours vécue depuis l'Indépendance. L'Etat dispose, actuellement, de moyens financiers, humains et matériels indispensables pour concrétiser les objectifs qu'il s'est assignés surtout la réalisation du projet de 1 million de logements d'ici à 2009, décidé par le président de la République. Or, la pression sur le logement persiste encore. Quel serait donc le maillon faible de la chaîne ? À quel niveau se situe la véritable problématique ? La faille se trouve, selon le président du Collège national des experts architectes (Cnea), Abdelhamid Boudaoud, au niveau de la mise en œuvre de tous ces moyens et surtout leur réutilisation rationnelle pour garantir la livraison aux citoyens de logements décents dans des délais relativement courts et suivant un coût harmonisé. “Notre pays se doit dans ce contexte de remporter la bataille de la productivité en vigueur dans les pays avancés qui, apparemment, assument pleinement un bon rapport qualité-prix et des délais très courts”, relèvera M. Boudaoud. Cette productivité se fait en complémentarité avec les autres paramètres tels que la nature des matériaux locaux utilisés, la qualification de la main-d'œuvre spécialisée, l'organisation de chantiers et la responsabilisation des entreprises privées auxquelles ne peut en aucun cas se substituer l'Etat. L'autre problématique évoquée a trait au ratio de couverture en matière d'encadrement. Ainsi, le nombre d'architectes recensés est estimé à 12 000 et celui des communes est de 1 541, ce qui donne un ratio de 8. Pour les ingénieurs au nombre de 2 500, le ratio est de 2. Si le nombre de centres de formation professionnelle est évalué à 900, la main-d'œuvre formée chaque année ne dépasse pas les 450 000 diplômés, soit un ratio de 292. Cet état de fait se justifie, estime le président du Cnea, par la surconcentration de toutes les activités économiques et de l'urbanisation accélérée au nord du pays. Le secteur doit améliorer sa productivité Pis, ce phénomène s'accentue aussi par une demande de plus en plus importante que la livraison de logements n'arrive plus à absorber. Les objectifs tracés pour la réalisation de logements n'ont jamais été atteints. Les délais n'ont jamais été respectés. Les glissements signalés sur les chantiers lancés dans toutes les régions du pays atteignent des années, voire des décennies. Ces contre-performances ont également pour origine l'incapacité en termes de moyens et de compétitivité des entreprises réalisatrices. La façon dont elles sont gérées demeure archaïque. Elles se caractérisent par un sous-encadrement flagrant, une déstructuration et une absence accrue de perspectives de développement par rapport à la nouvelle technologie. Néanmoins, ces sociétés ont fait face à d'autres contraintes liées à leur approvisionnement en matériaux de construction. Les délais de livraison sont toujours longs, l'attente trop longue au niveau de points de vente et leur éloignement, les formalités de vente demeurent trop lourdes, les moyens de transport restent encore insuffisants, la qualité de matériaux achetés reste mauvaise et les quantités livrées sont parfois insuffisantes. “Le ministère de l'Habitat qui a empêché toute initiative de la part des architectes qui souhaitent s'épanouir et exhiber leurs connaissances en la matière n'a fait qu'aggraver la situation”, indiquera le président du Cnea. Par ailleurs, l'industrialisation accrue a engendré une déperdition totale de la main-d'œuvre qualifiée qui s'est retrouvée complètement marginalisée. L'industrialisation du bâtiment en Algérie devrait, en effet, réduire les délais et les coûts de réalisation, touchant essentiellement le gros œuvre. Elle avait donné au secteur un profil technologique à la fois complexe et hétérogène. La multiplication des équipements rendait par voie de conséquence difficile la formation professionnelle et n'a fait profiter que l'assistance technique étrangère. Conséquence : perdition de la main-d'œuvre qualifiée et de certains métiers d'hier tels que les plâtriers, charpentiers et autres. Badreddine K.