La diplomate française, dont le style est très différent de celui du chef du Quai d'Orsay, tente d'apaiser la tension entre les deux capitales. La ministre française chargée des Affaires européennes tente de dépassionner les rapports entre Alger et Paris. Le mot pesé, le verbe diplomatique, Catherine Colonna, une des figures les plus en vue de la diplomatie française, est intervenue, avant-hier sur les ondes de la radio RTL, pour réparer les gaffes du chef du Quai d'Orsay dont les propos à l'égard de l'Algérie ont été d'une telle virulence qu'ils n'ont pas tardé à compromettre le projet d'amitié entre les deux pays, déjà fragilisé par la loi du 23 février 2005 qu'il a lui-même initiée. Réputée par sa fidélité à Jacques Chirac, Mme Colonna veut reconstituer les pièces du puzzle algéro-français effrité par un ministre peu soucieux du poids des mots, prisonnier d'une certaine vision de l'histoire, et surtout peu rompu à la pratique de la diplomatie. Pour ceux qui connaissent bien la nature des rapports qu'entretient Chirac avec la ministre chargée des Affaires européennes, il n'est pas exclu que cette dernière ait agi sur son instruction, lui qui n'a cessé de relancer son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika sur la signature du traité d'amitié. “Ce dont nos deux pays ont besoin, c'est de construire une relation basée sur la confiance, tournée vers l'avenir, dans un esprit d'apaisement de la mémoire”, disait Catherine Colonna en recommandant, au passage, “de faire attention parfois aux mots”. “Nos relations, a déclaré la ministre, ont eu une histoire qui fut complexe, elles ont un présent, mais elles ont surtout un avenir”. Les mots, selon elle, “peuvent blesser dans un sens comme dans un autre, et c'est la raison pour laquelle il faut être très attentif aux mots que l'on choisit quand on se parle surtout entre amis”. Véritable appel à l'apaisement qu'est cette déclaration de la diplomate française qui rappelle, à juste titre d'ailleurs, que “la querelle des mots n'est pas utile, elle a même, dit-elle, un aspect anachronique, car elle ne correspond pas à l'état des relations entre les deux pays”. Entre Catherine Colonna et Douste-Blazy, il faut le dire en effet, il n'y a pas seulement un décalage de style, mais de vision aussi des rapports entre Paris et Alger. Et c'est cet aspect-là que Chirac, muré dans un mutisme inexpliqué depuis la sortie inconvenante de son ministre des Affaires étrangères, semble vouloir mettre à profit pour atténuer, un tant soit peu, la mauvaise tournure prise par les relations algéro-françaises et, pourquoi pas, relancer un projet d'amitié mis à mal par un Douste-Blazy en perte de vitesse et que le journal Le Monde a “descendu” dans son édition de jeudi dernier en le jugeant non qualifié pour le Quai d'Orsay. Le quotidien a révélé au monde toute l'étendue de l'ignorance du chef de la diplomatie française. Le ministre, écrit le journal, n'a toujours pas une vision claire de la géopolitique. “Il s'est laissé à plusieurs fois surprendre à confondre Taïwan et la Thaïlande, la Croatie et le Kosovo”. Mais pas seulement. Outre le peu de connaissances dont il fait preuve en géographie, Douste-Blazy a failli provoquer plusieurs incidents diplomatiques. Les premiers de son arrivée au Quai d'Orsay, écrit encore Le Monde, “les diplomates français vivaient dans la terreur de ses gaffes... À New York, après un dîner important à l'ONU entre ministres, sans les conseillers, les diplomates français réclament, comme c'est l'usage, un débriefing. Le ministre se montra si flou qu'il a fallu réclamer un compte rendu… à son collègue britannique”. Dominique de Villepin, qui l'aime bien pourtant, révèle encore le journal, s'agace souvent de ses déclarations à contretemps. Et Jacques Chirac a peu apprécié les propos très catégoriques de son chef de la diplomatie quant aux aspects militaires présumés du nucléaire iranien, propos qui ont valu au ministre une place de choix dans le New York Times du lendemain. Les bourdes ? Douste-Blazy n'en est pas, en effet, à sa première. Sa collection de gaffes, qui lui valut déjà plusieurs surnoms du genre Douste-Blabla, docteur Douste-Mister-Bluff ou encore “Mickey d'Orsay et Condorsay”, peut lui valoir aussi son poste. SaId Rabia