Les relations entre l'Algérie et la France traversent à nouveau une zone de turbulences. Une brouille qui ne dit pas son nom s'installe au fur et à mesure que l'échéance de l'arrivée à Alger du chef du Quai d'Orsay, Philippe Douste-Blazy, prend l'allure d'une Arlésienne. Officiellement programmée par les autorités françaises, puisque même le porte-parole du Quai d'Orsay en avait parlé il y a une quinzaine de jours, la visite du ministre français des Affaires étrangères, qui devait donner un coup de rein au processus de signature du traité d'amitié, demeure une priorité pour Paris. Jean-Baptiste Mattei, porte-parole du Quai d'Orsay, confirmait, il y a quelques jours, que la France attendait « la réponse d'Alger ». Mais ce feu vert tarde justement à être donné par les autorités algériennes, plus préoccupées par le chassé-croisé des chefs d'Etat étrangers. Au ministère des Affaires étrangères, la visite annoncée de Douste-Blazy n'est pas d'actualité. Contacté hier par nos soins, le sous-directeur de la communication avoue ne pas trop savoir sur cette question. Mieux, il dit ne pas être au courant d'un éventuel déplacement à Alger du ministre français des Affaires étrangères. « Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on est pour l'heure concentré sur les Coréens », précise notre interlocuteur. Il n'y a donc point de préparatifs à cette visite, sujette apparemment à controverse. Le site internet du ministère des Affaires étrangères ne mentionne pas, non plus, l'arrivée de Douste-Blazy dans son agenda diplomatique. Pas plus qu'elle ne soit prévue dans celui du Quai d'Orsay d'ailleurs ou de l'ambassade de France à Alger. Motus. En revanche, la visite de deux jours du ministre français délégué à l'Industrie, François Loos, les 27 et 28 de ce mois, est confirmée. Ce dernier devra mener plusieurs entretiens ministériels avec notamment Boudjemaâ Haïchour, ministre algérien des Postes et des Technologies de l'information et de la communication, Hamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, et Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines. C'est dire que si les affaires économiques continuent à se traiter normalement entre la France et l'Algérie, tel ne semble pas le cas des questions diplomatiques. La signature du fameux traité d'amitié suscite, curieusement, plus d'impatience du côté français que du côté algérien. Il est évident que la loi controversée du 23 février glorifiant le passé colonial de la France est passée par là. Bien que le président Jacques Chirac ait pesé de tout son poids pour obtenir la suppression de l'article 4 par le Conseil constitutionnel, les séquelles psychologiques de cette loi et les réactions qui s'ensuivirent semblent avoir sérieusement froissé les autorités d'Alger. Précisément, Alger n'aurait pas apprécié, selon certaines sources, les prises de position tranchées de Philippe Douste-Blazy par rapport à cette loi. De fait, le traité d'amitié, qui devait dépassionner les rapports passionnels et passionnés entre la France et l'Algérie, a subi les contrecoups de cette brouille. En France comme en Algérie, on ne comprend pas comment Paris et Alger, qui ambitionnent d'établir un « partenariat d'exception », se fâchent aussi facilement. Il est clair que le ballet diplomatique des responsables anglo-saxons et ceux de l'Asie suscite des grincements de dents dans l'Hexagone. Les médias français se sont très largement fait l'écho des accords signés à Alger au terme des visite de MM. Poutine et Roh moo-hyun, présidents respectivement de la Fédération de Russie et de la Corée du Sud. Fait curieux également, les journaux de l'Hexagone consacrent quotidiennement des espaces à l'actualité politique et économique de l'Algérie. La radio publique française RFI a lancé plusieurs programmes dans une espèce de « spécial Algérie » où sont évoqués la fermeture des écoles privées, les implications de la loi sur la paix, la maladie du président Bouteflika, la libération des anciens chefs terroristes et bien sûr l'hypothétique traité d'amitié. Ce battage médiatique en France, qui n'est certainement pas fortuit, contraste avec le calme plat observé en Algérie, où le traité d'amitié est pratiquement relégué au second plan des préoccupations. M. Douste-Blazy, qui attend la réponse d'Alger, lui, y croit dur comme fer. « Je tiens viscéralement à ce traité », a-t-il avoué au grand jury RTL-LCI en décembre dernier.