Quel est le degré d'indépendance des journalistes par rapport aux cercles occultes ? Peut-on parler de presse privée ou indépendante ? Quelles sont les contraintes auxquelles est confrontée la presse algérienne ? Quelles sont ses faiblesses ? Le cadre juridique actuel favorise-t-il une presse libre ? Autant de questions auxquelles une pléiade d'avocats et de journalistes a tenté, hier, de répondre lors de la journée d'étude sur le “délit de presse, le code pénal et la liberté de la presse”, organisée au siège de la fondation Friedrich-Ebert à Alger, par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH). Fort riche, mais loin d'être épuisé, le débat et les interventions ont permis de passer à la loupe tous les problèmes inhérents à l'exercice de cette noble profession dont on célèbre aujourd'hui, faut-il sans doute le souligner, la Journée internationale. Me Mohamed Benarbia a tiré à boulets rouges sur le régime et particulièrement sur la justice “inféodée au pouvoir”, selon lui, les deux étant considérés “ennemis” de la presse. “Le pouvoir est l'ennemi de la presse”, a-t-il dit. “Au terrorisme assassin a succédé le terrorisme juridique du pouvoir”, a-t-il ajouté. Rappelant les multiples déclarations publiques du président, lequel n'hésitait pas à faire le parallèle entre les journalistes et les terroristes, Me Benarbia, dont l'intervention portait sur “la défense face au délit de presse” a qualifié le code pénal “d'aberration”. “Même les pays émergents ont opté pour la dépénalisation du délit de presse”. Autres pressions qui pèsent sur la presse ? Le fisc, la publicité et les juges confits, selon l'avocat, dans la culture de l'unicisme. Mais même la presse en a eu pour ses frais. “On est passé de la presse de Djaout (un brillant journaliste et écrivain, tombé le premier sous les balles des terroristes) à celle de Djezzy”. La formule est de Benchicou, confiera-t-il plus tard, en aparté. Dès lors, le combat pour la liberté passe par la mobilisation. Optimiste à souhait, il a estimé, en définitive, que l'avocat, lors des plaidoiries, doit défendre les principes de la liberté de la presse. Pour Me Bouchachi, “on ne peut pas parler de la liberté de la presse sans parler de la situation des institutions, de la classe politique et de la société civile”. Selon lui, “il y a un grand recul par rapport à la loi 90 sur l'information, puisque, aujourd'hui, la création d'un journal obéit à des considérations politiques”. À l'autocensure qui frappe les journalistes s'ajoutent, poursuit encore Me Bouchachi, quelques dispositions du code pénal qui restent vagues, comme celles inhérentes aux intérêts suprêmes de la nation. Est-ce qu'on peut ester en justice le Président ? interrompt Me Ali Yahia Abdenour. Réponse de Me Bouchachi : “C'est loin d'être le cas.” Talentueux caricaturiste, Hichem, plus connu sous le pseudo de Hic, estime, pour sa part, que le problème de la presse se situe en son sein. “Il faut un débat à l'intérieur de la corporation, il faut se professionnaliser !” a-t-il dit avant de rappeler quelques anecdotes sur le travail des juges. Rédacteur en chef au quotidien El Watan, Fayçal Metaoui, lui, a estimé que “la presse doit faire son autocritique” non sans relever les “dérives” dont elle est comptable et les problèmes qu'elle rencontre. Il a également mis l'accent sur la nécessité de la formation. Enfin, Sofiane Aït Iflis du Soir d'Algérie s'est étalé, quant à lui, sur les problèmes rencontrés par les journalistes dans l'exercice du métier. Conclusion ? Il faut créer une espèce d'associations des amis de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, lequel garantit la liberté de la presse, se mobiliser et jeter les passerelles entre les journalistes et les avocats pour défendre la liberté, soutient Me Benissad en guise de résumé. À noter enfin qu'aucun éditeur n'était présent. KARIM KEBIR