Il n'y a pas que de ce côté-ci de la Méditerranée que l'on relève la sauvagerie de cette répression que le monde à rarement connue. Plusieurs voix se sont, en effet, élevées dans l'Hexagone pour briser l'omerta ambiante et laisser dire l'Histoire. L'Algérie commémorera demain l'un des évènements les plus tragiques de son histoire : les massacres — et le mot n'est pas fort — perpétrés par l'armée coloniale française dans plusieurs villes du pays, notamment de l'Est, il y a 61 ans. En ce printemps de l'année 1945, alors que les citoyens, à travers la planète, envahissaient les rues des villes et des campagnes pour célébrer la victoire du monde libre sur les forces fascisto-nazies, les Algériens, qui manifestaient pacifiquement pour réclamer leur part de liberté, étaient accueillis avec des armes de guerre. Bilan de cette atroce répression : plus de 45 000 morts. Même s'ils ne s'accordent pas sur le nombre des victimes, les historiens algériens et français sont, aujourd'hui, unanimes à dire qu'il s'agit bel et bien d'une boucherie commise à l'encontre d'une population civile, sortie dans la rue pour revendiquer son droit à l'indépendance, à l'instar de tous les peuples du monde. Malgré donc l'entêtement des autorités françaises à refuser de reconnaître cette page peu glorieuse de leur histoire, les faits demeurent têtus. D'ailleurs, il n'y a pas que de ce côté-ci de la Méditerranée que l'on relève la sauvagerie de cette répression que le monde à rarement connue. Plusieurs voix se sont, en effet, élevées dans l'Hexagone pour briser l'omerta ambiante et laisser dire l'Histoire. Historiens et intellectuels tentent en vain d'amener la France officielle à expier ses crimes coloniaux. Mais jusqu'à quand continuera-t-elle à fuir devant ses responsabilités historiques ? En tout cas, il y va de l'avenir des rapports entre la France et l'Algérie. L'extrême tension qu'ont connue récemment les relations entre Alger et Paris a, encore une fois, démontré que l'on ne peut construire le futur sans avoir, au préalable, assaini le passif. En décidant de ne pas aller à Guelma, où se dérouleront les festivités officielles de commémoration des évènements du 8 Mai 45, le président Bouteflika veut-il éviter de jeter de l'huile sur le feu ? Tout dépend du contenu qu'il donnera à la lettre qu'il enverra aux participants. L'on peut, vraisemblablement, s'attendre à un discours de conciliation même s'il ne s'agit pas pour le Président de céder sur les principes. C'est dire que la célébration, cette année, des carnages du printemps 45 intervient à une période d'extrême sensibilité entre les deux capitales qui, en divergeant sur la mémoire de la période coloniale, n'en partage pas moins, en revanche, le souci de dépasser la zone de turbulence. H. S.