La ministre de la Culture a présenté les grandes lignes de sa politique culturelle, notamment dans le domaine du patrimoine, du livre et de la grande manifestation : Alger, capitale de la culture arabe. C'est une ministre plutôt optimiste quant à l'avenir de son secteur, le temps de l'indigence semble bien révolu, au vu de l'enveloppe financière destinée aux différents projets de restauration des sites et des monuments. Mme Khalida Toumi a mis en exergue les difficultés qu'a connues le secteur de la culture durant la décennie noire. “Le patrimoine a pris un sérieux coup durant ces années de terrorisme, où tout monument n'appartenant pas à la période islamique était considéré comme bidaâ (hérésie), comme ce fut le cas pour Sidi Abderrahmane Thaâlibi à La Casbah et Sidi Lekbir à Blida. Pendant des années, la présence de l'Etat était essentiellement sécuritaire, alors qu'il est le seul garant de la sauvegarde du patrimoine”, souligne Mme Toumi qui a noté l'absence quasi totale du ministère de la Culture en matière de protection du patrimoine. “Le mausolée de Massinissa a été massacré par le wali” La ministre de la culture a préféré attendre que la tempête passe pour se prononcer sur ce qui s'est passé sur le tombeau du chef de l'Etat numide, Massinissa. L'affaire, qui a défrayé la chronique à la veille de la visite du président Bouteflika à Constantine, les 16 et 17 avril dernier, n'avait suscité aucun commentaire de la part de la première responsable du secteur, sinon son intention d'ester le wali de Constantine en justice. Selon elle, la wilaya de Constantine et l'APC d'El-Khroub avaient débloqué une enveloppe de 2 millions de dinars afin de réaliser un village numide à l'image du village rouge de Tidis, “protégé par la terre, et qui nécessite des fouilles”. En 2003, le projet est confié à la Direction de l'urbanisme et de la construction (DUC) qui intervient sur le site sans consulter la direction de la culture. “Les directeurs de la culture ne sont ni audibles ni visibles au niveau des wilayas”, a souligné Mme Khalida Toumi qui ira plus loin en affirmant que la réhabilitation de la Casbah a été confiée à la Direction du logement de la wilaya d'Alger (DLP). “Ce que la wilaya de Constantine appelle restauration est un massacre. Ils ont utilisé des grues pour déplacer les pierres qui étaient par terre depuis des milliers d'années et des matières abrasives qui ont effacé toutes les écritures. Le tombeau du premier chef d'Etat algérien a été massacré par le wali.” La ministre de la Culture affirmera que la réactualisation de l'étude de restauration de la citadelle d'Alger a été confiée au bureau polonais PKZ, qui a réalisé la première étude en 1986, afin de réduire le coût de l'étude. “Les Italiens se chargeront de la restauration du Palais du Dey, alors que les Turcs assureront la restauration de la mosquée. Cinq bureaux d'études algériens sont également concernés par les travaux de restauration, notamment BET Hammag, Slimani, Gold et Archmed. Une enveloppe de 150 milliards de centimes a été débloquée pour l'opération.” Elle a également mis l'accent sur l'installation d'un comité mixte — ministère-wilaya d'Alger — afin de réussir la restauration de la Casbah. Et d'ajouter : “La wilaya d'Alger a prescrit, pour la première fois, un plan de sauvegarde de La Casbah qui sera prêt dans huit mois. Un budget de 1 million de DA est retenu pour ce plan, alors que 32 millions de dinars sont retenus pour les travaux de restauration d'urgence pour Santa Cruz à Oran.” La ministre évoquera aussi le patrimoine algérien d'ailleurs, dont le contentieux avec la France par rapport aux registres des musées. Elle arguera, à ce titre, de l'expérience d'Henri Lothe, qui a reproduit 2 000 gravures rupestres, dont l'Algérie ne possède même pas de copies. À rappeler que l'explorateur, naturaliste et archéologue a séjourné de 1956 à 1957 au Tassili où avec dix peintres, photographes et cinéastes il a effectué des relevés en employant une technique de calque repportés sur papier, puis teints à la gouache. “À l'occasion de Djazaïr 2003, j'ai demandé des copies des aquarelles réalisées par Lothe, mais il n'y a pas eu de réponse. Il y a aussi les têtes des statues de Cherchell emportées par les colons, les tableaux qui ont disparu du musée d'Oran en 1985, dont un de Courbet, et que les Français refusent de restituer sous prétexte que des juifs ont été dépossédés de certaines œuvres privées.” Le livre détaxé à l'occasion de Alger 2007 Cheval de bataille du département Mme Toumi, une loi cadre sur le livre sera applicable d'ici à fin 2006. Le brouillon du projet de loi, tel que préparé avec les éditeurs, reste à parfaire. Même si la problématique du livre en Algérie n'est pas liée à l'absence de loi, selon la ministre. “Le Salon du livre est un stimulus de laboratoire. Le plus important c'est l'école et l'université qui se sont désengagées de la lecture. Nous supplions les écoles pour ouvrir leurs portes aux bibliobus.” L'exonération du livre importé étant la revendication principale des libraires et des lecteurs pour qui le livre reste hors de portée, elle a affirmé que lors d'un conseil interministériel, le Chef du gouvernement a exprimé sa disponibilité à détaxer le livre à la faveur de la grande manifestation Alger, capitale de la culture arabe. Alger, capitale de la culture arabe : “C'est moi qui gère le dossier” Si le Chef du gouvernement est le président du comité national de la manifestation, Mme Khalida Toumi est, pour sa part, la responsable du comité exécutif et, à ce titre, elle compte bien faire entendre sa voix. Contrairement à Djazaïr 2003, Alger, capitale de la culture arabe est placée sous la tutelle de Mme Toumi, et ce, en sa qualité de ministre de la Culture. “Etant responsable du comité exécutif, c'est moi qui gère le dossier.” Pour ce qui est du choix de Lamine Bechichi à la tête du commissariat, elle dira que ce dernier a été désigné parce que “c'est une personne qui sait ce qu'est l'engagement de l'Etat. Il connaît le monde arabe et il est ouvert à la création dans ses trois langues : l'arabe, le français et le berbère.” Afin de pallier le manque d'infrastructures culturelles, Mme Khalida Toumi affirme que l'enveloppe de 5 millions de DA servira également à la restauration des salles. 48 semaines culturelles des différentes wilayas du pays et 22 semaines culturelles arabes sont programmées dans le cadre de cette manifestation a affirmé la ministre. “Le programme de la manifestation sera rendu public à partir du 30 mai et comprend 4 salons du livre, une caravane arabe de bibliobus, des séminaires.” Wahiba Labrèche