Les avocats de la défense ont fait des révélations fracassantes comme, entre autres, un pourvoi en cassation, interjeté “secrètement par deux militaires”. “La justice est censée être la même pour tout le monde. Pourtant, je n'arrive pas à comprendre comment cette même justice a accordé un non-lieu pour deux sous-officiers car ils n'ont pas été identifiés. Pour rappel, ces deux militaires étaient de permanence le jour du drame”, s'étonne Me Aït Larbi Mokrane. Ce dernier affirme ne pas comprendre ce raisonnement et il ajoute : “Deux autres militaires du même corps, à savoir les gardes-côtes, inculpés pour non-assistance en danger, n'ont pas répondu à la convocation du tribunal criminel. Le procureur général affirme qu'ils ont introduit un pourvoi en cassation, chose que même le tribunal ignore. Peut-on interjeter un pourvoi en cassation secrètement.” Plaidant pour le commandant du Batna poursuivi pour absence irrégulière, Me Aït Larbi insiste sur les raisons ayant poussé son client à quitter son navire pour pouvoir prendre une douche : “La justice se doit d'écouter les arguments des inculpés. L'eau était rationnée sur le bâtiment et mon client était resté 28 jours d'affilée sur le bateau dont il avait le commandement. Certes, c'est une faute, mais il a des raisons valables et acceptables.” Toujours lors de sa plaidoirie, le même avocat affirme ne pas comprendre comment des marins sont morts sur la jetée du port et en face de l'APN et du Sénat sans que personne ait pu les secourir. “Ni les inondations de Bab El-Oued ni les tremblements de terre qui ont secoué notre pays ne nous ont servi de leçon. La loi de 1973, portant création des garde-côtes, stipule que le sauvetage en mer incombe à ce corps. Or, aujourd'hui, nous avons au box des accusés des travailleurs de la Cnan. Est-ce l'absence de l'aide-cuisinier qui a conduit à l'échouage du Batna ? La loi stipule que c'est le marin assurant le gardiennage et dont l'absence provoque l'échouage d'un bateau, qui est responsable devant les tribunaux. Que peut faire un aide-cuisinier pour sauver un navire ?” interroge l'avocat. Il demandera au tribunal de prendre en considération un fait important, à savoir que le vrai armateur ce n'est pas la Cnan, mais l'Etat. “Les cadres de la Cnan ne font que gérer les biens appartenant à l'Etat. La justice s'est basée sur l'enquête diligentée par le ministère des Transports qui avait installé une commission, dont les membres sont issus, pour la majorité, de ce département. Est-ce que le ministère des Transports ignorait la situation des deux bateaux ?” affirme encore l'avocat. Dans son réquisitoire, le procureur général demande au tribunal de reconnaître tous les accusés coupables des crimes et délits dont ils sont accusés. Pour le représentant du ministère public, les cadres de la Cnan sont responsables de ce qui était arrivé. Il affirmera, à ce sujet, que les deux bateaux ont été confiés à des équipages non qualifiés. Il estimera que l'armateur n'a pas armé convenablement les deux navires qui n'étaient pas pourvus d'équipages qualifiés et en nombre suffisant. “Ces défaillances et les absences irrégulières des marins n'ont pas permis aux marins qui se trouvaient sur les deux navires de réagir. Le moteur du Béchar n'a pas démarré, car non réparé à temps”, plaide le procureur général. Quant aux marins décédés, il déclare : “L'armateur est responsable de la sécurité des équipage auxquels il doit fournir tous les moyens nécessaires. Dans ce cas précis, l'armateur a armé un bateau n'ayant pas les moyens de naviguer et cela a conduit à la perte du bâtiment et de son équipage. Le code maritime a prévu ce crime”, dit-il encore. En conclusion, il réclame la perpétuité contre le P-DG de la Cnan et à quatre autres cadres du même groupe. Il requiert aussi 5 ans de prison ferme contre 3 officiers navigants, dont le commandant du Batna. Il demande, enfin, 2 ans de prison ferme contre chacun des autres marins poursuivis tous pour absence irrégulière. Les plaidoiries vont se poursuivre, aujourd'hui, et les avocats de la défense promettent d'autres révélations et l'exhibition de preuves innocentant leurs clients. Saïd Ibrahim