Le verdict est tombé après plus de 6 heures de délibéré. 23h30 minutes. Salle numéro un du Palais de justice d'Alger. La présidente du tribunal continue de lire les réponses aux questions que s'est posées le tribunal lors de la délibération. Cette opération prend près d'une heure, car la présidente doit lire 170 questions et autant de réponses. L'assistance nombreuse est aux aguets. Les réponses par l'affirmative, aux questions concernant la culpabilité des cadres de la Cnan, provoquent des réprobations par des gestes et des éclats de voix. Lorsque le verdict tombe enfin et à la lecture de la décision de justice condamnant chacun des 5 cadres de la compagnie maritime nationale à 15 ans de réclusion, l'assistance ne peut retenir sa colère. Les parents, les amis et les collègues des condamnés se mettent à crier “pouvoir assassin”. La présidente du tribunal continue, pour sa part, à lire les décisions de justice concernant les autres accusés. Même si elle élève la voix, personne ne peut entendre. Ce sont les avocats qui informeront leurs clients sur l'issue du procès. Le commandant du Batna et un autre officier navigant ont été condamnés à respectivement 2 ans et un an de prison ferme. Tous les autres accusés ont bénéficié de la relaxe ou d'un non-lieu. C'est ce que nous explique un avocat non constitué dans cette affaire et qui est resté pour écouter le verdict. La décision de justice est tombée tel un couperet sur des accusés qui s'attendaient à une issue meilleure. Les accusés lourdement condamnés ne cessent de regarder du côté de leurs familles respectives, comme pour ne pas se sentir seuls en ces moments douloureux. Pendant ce temps, des femmes en larmes quittent la salle d'audience pour aller crier leur douleur dans le hall des pas perdus. Prise d'une crise d'hystérie, la parente d'un accusé ne cesse de crier à tue-tête : “Il aurait fallu juger les vrais coupables. Et les vrais coupables ne sont pas au tribunal, mais bien au chaud chez eux.” Les policiers interviennent avec tact et doigté pour tenter de ramener le calme. Ils font tout pour éviter l'affrontement avec les contestataires en leur rappelant que la justice permet d'autres degrés de juridiction. “Il faut être en Algérie pour vivre une telle injustice. Les sauveteurs, qui n'ont rien fait pour secourir les marins disparus, ont bénéficié d'un non-lieu, car même la justice censée être au-dessus de tout le monde, n'a pas réussi à les identifier. C'est ainsi en Algérie”, affirme le parent d'un condamné. Les avocats tentent de réconforter les contestataires en leur rappelant qu'ils vont faire appel. En usant de diplomatie, l'officier de police exerçant au Palais de justice, parvient après moults difficultés à faire évacuer le hall des pas perdus. Il s'adresse aux hommes et les invitent à sortir, car il se fait tard. Effectivement, il est presque minuit. Les accusés sont reconduits à la prison. Saïd Ibrahim