Entre Alger et Paris, la polémique ne semble pas près de s'estomper : alors que le président Bouteflika continue d'exiger que la France présente “des excuses officielles” à l'Algérie, le Quai d'Orsay persiste à considérer qu'il appartient aux seuls “historiens et aux chercheurs de se pencher sur le passé”. Les relations algéro-françaises continuent de souffrir du poids de l'Histoire. Certes, ce n'est pas nouveau, mais le contentieux paraît peser plus que jamais sur le sort du projet de signature d'un traité d'amitié entre les deux pays. Hier encore, Paris a de nouveau affirmé qu'il est opportun de laisser le débat sur la période coloniale aux seuls historiens, par la voix du porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi. Ce dernier a déclaré lors du point de presse hebdomadaire du Quai d'Orsay qu'“il appartient aux historiens et aux chercheurs de se pencher sur le passé”, estimant que “ce n'est pas à une lecture officielle” de ce passé que l'on doit procéder aujourd'hui. Il a toutefois laissé entendre que ses propos ne se voulaient pas une réponse à ceux de Bouteflika qui, la veille, à l'occasion de la célébration en Algérie de la Journée nationale de l'étudiant, avait une nouvelle fois exigé des “excuses officielles au peuple algérien” de la France, seules à même de permettre aux deux pays, selon lui, de “s'engager dans des relations d'amitié”. Interrogé sur la position de Paris sur ces déclarations réitérées de Abdelaziz Bouteflika, le porte-parole du Quai d'Orsay a répondu, en effet, qu'il ne lui appartenait pas de “commenter toutes les déclarations du président algérien (…)”, laissant entendre qu'il se refusait à verser dans la polémique. Normal, puisque la France, a encore ajouté Mattéi, “veut travailler au renforcement des relations bilatérales (…)” et conserve encore “l'objectif de conclure un traité d'amitié” avec l'Algérie. En tout état de cause, les déclarations officielles des deux côtés de la Méditerranée semblent renvoyer la signature d'un tel traité, initialement prévue pour fin 2005 au plus tard, aux calendes grecques, si tant est qu'elles ne finiraient pas par tuer le projet dans l'œuf. Il y a, en effet, risque que ce projet se heurte indéfiniment à des considérations inconciliables de part et d'autre. Pour l'heure, du moins, c'est l'impasse. D'un côté, la déclaration de Jean-Baptiste Mattéi, même si lui-même s'est gardé de la présenter comme une réponse à celle faite jeudi dernier par Bouteflika, semble exprimer la position définitive de la France sur cette question, tant ce n'est pas la première fois que Paris propose de laisser le passé à l'Histoire. De l'autre, le chef de l'Etat algérien n'a fait, à l'occasion de ce 19 Mai, que réitérer ce qu'il n'a cessé de dire depuis le fameux article 4 de la loi (française) du 23 février qui évoquait “le rôle positif” de la présence coloniale en Algérie et ailleurs. On constate, de plus, que la suppression de cet article n'a pas atténué de l'intensité de la polémique. Mais tout est-il perdu ? Selon un cadre de l'UMP (Union de la majorité présidentielle, France), qui s'exprimait jeudi dans les colonnes de L'Expression, une prochaine visite de Sarkozy à Alger pourrait décrisper les relations entre les deux pays et relancer le projet de traité d'amitié. Connaissant la stature de Nicolas Sarkozy qui se présente d'ores et déjà comme le successeur en puissance de Chirac à l'Elysée, il faut sans doute attendre que “quelque chose bouge” à Paris pour savoir si oui ou non la signature d'un tel traité à court ou moyen terme est du domaine du possible. Saïd Chekri