La repentance de la France, dans les massacres, demeure la condition sine qua non au paraphe du traité d'amitié. Le président de la République a, de nouveau, conditionné la signature du traité d'amitié entre les deux pays par des excuses officielles de la France aux Algériens. «Il est aujourd'hui de notre devoir envers le peuple algérien et les chouhada, de réclamer des excuses officielles de la part d'une nation dont la devise révolutionnaire a de tout temps été liberté, égalité, fraternité», a rappelé Abdelaziz Bouteflika dans un message, lu par Mohamed Cherif Abbes, ministre des Moudjahidine, à Mostaganem, à l'occasion des festivités commémoratives du cinquantenaire du 19 mai 1956 consacrant la Journée nationale de l'étudiant. Le Chef de l'Etat a, en outre, rappelé que les massacres du 8 mai 1945 étaient d'une barbarie et d'une cruauté «jamais égalées dans l'histoire aussi bien ancienne que moderne de l'Algérie» et qu'ils sont «d'une sauvagerie que nul ne saurait renier» à l'exception de ceux qui sont «frappés de sénilité ou d'amnésie ou encore ceux qui pratiquent la politique de la fuite en avant». Une demande approuvée par le député turc, Mohamed Kocak, du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, qui a déposé, devant l'Assemblée nationale turc, une proposition de loi visant à punir la négation du «génocide» français en Algérie. Le député a, même, suggéré de faire du 8 Mai 1945 la journée de commémoration du «génocide commis contre les Algériens». Le texte qu'il a déposé prévoit une peine d'emprisonnement et une amende pouvant atteindre les 52.000 euros pour quiconque affirmerait que la France n'a pas commis de génocide en Algérie. Selon le député turc, la France, amnésique et contradictoire dans ses prises de positions, glorifie le colonialisme en Afrique du Nord, tout en tentant de faire voter une loi rendant passible de prison la négation du génocide arménien. Aussi, Abdelaziz Bouteflika a, à ce sujet, appelé la France officielle à «assumer pleinement ses responsabilités historiques» dans le cas où «l'Etat français est véritablement mu par une sincère volonté d'ouvrir une nouvelle page et de jeter les bases d'une amitié authentique bannissant toute forme de rancoeur et de ressentiment». En réponse à Catherine Colonna, ministre délégué aux Affaires européennes qui déclarait , mardi dernier, devant l'Assemblée nationale française «laissons aux historiens le soin d'écrire l'histoire et laissons au temps celui d'apaiser les douleurs», le chef de l'Etat rappelle, certes, «nous n'avons d'autre choix que de nous en remettre»en toute objectivité et honnêteté, «à l'arbitrage de l'histoire qui demeure le seul juge entre nous». Néanmoins, pour le président de la République, l'histoire est là, les faits sont réels et les douleurs encore vives. Et de rappeler que l'Algérie n'est pas «cette nation naïve qui oublie facilement ses malheurs et les massacres perpétrés à son encontre ainsi que la dénaturation de son identité et la destruction de son patrimoine». Quant à la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France, le chef de l'Etat a précisé que toute «amitié» doit être «basée sur le respect mutuel et l'égalité» préservant les intérêts de «nos deux peuples et de nos deux pays», sans verser dans des rivalités politiciennes étroites ne servant guère cette amitié, normalement, «porteuse de facteurs de rapprochement et de coopération autrement plus importants que les facteurs de rejet». Une prise de position qui n'a pas laissé la France officielle insensible ; celle-ci a réaffirmé, une fois encore, que le débat sur la période coloniale en Algérie revenait aux historiens. «Il appartient aux historiens et aux chercheurs de se pencher sur le passé» sous prétexte que «ce n'est pas à une lecture officielle de l'histoire que l'on doit procéder», a déclaré, hier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi. Ce dernier a ajouté que Paris «veut travailler au renforcement des relations bilatérales» et «conserve l'objectif de conclure un traité d'amitié» entre les deux pays. Un traité d'amitié mis dans l'impasse depuis que l'Assemblée nationale française a voté, le 23 février 2005, une loi glorifiant le rôle positif de la France outre-mer, même si, entre-temps, l'article de loi litigieux a été abrogé.