Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine : “Le lobby juif domine les décideurs en France” “Je ne crois pas que les relations entre l'Algérie et la France soient fondées sur le principe d'égalité (...) Vous connaissez les origines du président de la France et vous savez quelles sont les parties qui l'ont amené au pouvoir”, a déclaré mardi dernier Mohamed-Chérif Abbas à El Khabar, en rappelant “les convictions des véritables architectes de l'ascension de Sarkozy au pouvoir (...) Le lobby juif qui domine les décideurs en France”. Suite aux réactions provoquées par ces déclarations, Mohamed-Chérif Abbas a tenté de calmer le jeu en disant qu'il avait “appris avec beaucoup d'étonnement et de mécontentement certains propos. Je ne peux assumer les spéculations irresponsables d'un quelconque journal sur un chef d'Etat ami, plus spécialement à la veille de sa visite en Algérie”. Mohamed El Korso, président de l'Association du 8-mai-1945 : “On se passera bien de cette visite” “Le seul objectif de la visite de Sarkozy est d'attirer des investissements en Algérie. Mais cet objectif se heurte à la vision colonialiste persistante dans le discours officiel français (...) Nous pouvons nous passer de cette visite, car il existe d'autres pays que la France, comme la Chine, l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, avec lesquels nous pouvons coopérer. L'Algérie n'est pas sous embargo au point de se prosterner devant les investisseurs français”, a dit le président de l'association du 8-Mai-1945. “Pourquoi le France refuse-t-elle à ce jour de nous remettre les archives de la Révolution ? Pourquoi la France et l'Eglise ont-elles demandé des excuses aux Juifs pour les crimes commis contre eux par les nazis et le gouvernement de Vichy ? On se demande si la France de Sarkozy est sincère dans sa démarche. Ne s'agit-il pas d'une manœuvre politique pour atteindre ses objectifs ? Un baiser de Sarkozy est un baiser empoisonné dont il faut se méfier”, ajoute-t-il. Jean-Marc Ayrault, chef de file des socialistes : “Alger doit s'excuser” “Je pense que Nicolas Sarkozy ne peut pas aller à Alger sans obtenir des excuses”, a-t-il déclaré alors que le président de la République française doit se rendre le 3 décembre en Algérie pour une visite d'Etat. “Quand un ministre du gouvernement algérien dit cela, il faut qu'il s'excuse”, a insisté le chef de file à l'Assemblée du PS, principal parti d'opposition. “Il ne faut pas laisser passer ce genre de choses. Je ne dis pas que tous les Algériens pensent cela, et j'espère bien que non, mais l'objectif c'est quand même que les relations entre la France et l'Algérie s'apaisent. Il faut que chacun y mette du sien, il faut travailler ensemble la main dans la main. Cela passe par des gestes forts, mais pas seulement de la France, aussi de l'Algérie”, a expliqué M. Ayrault. Mohamed Abadou, de l'ONM : “Nous ne tournerons pas la page sans des excuses officielles” “En tant qu'organisation des anciens moudjahidine, nous disons que Sarkozy n'est pas le bienvenu car, pour nous, il vient pour une visite diplomatique dont les objectifs sont clairs. Le président Bouteflika connaît bien nos positions vis-à-vis de l'Etat et le gouvernement français. Nous ne sommes pas contre la société civile française. Ils nous accusent d'hostilité contre le président français et contre la France, alors que c'est eux qui nous gardent rancune. C'est eux qui ont fait une loi qui glorifie le colonialisme, c'est eux qui construisent des monuments en l'honneur des traîtres et des harkis et qui refusent de reconnaître leurs crimes contre le peuple algérien. L'Algérie ne cessera jamais d'exiger des excuses et des réparations.” La Ligue des Droits de l'Homme “Résurgence des préjugés” “Les considérations de ce ministre sur l'origine juive du président ou de tel ou tel de ses ministres et sur une élection présidentielle qui serait due au “lobby juif qui a le monopole de l'industrie en France” témoignent de la résurgence des préjugés antisémites les plus nauséabonds. Ils doivent être immédiatement désavoués.” Le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) “condamne de la façon la plus ferme ces propos tout aussi inacceptables qu'irresponsables”. “On ne construira pas le devenir entre le peuple français et le peuple algérien sur la base du racisme et de l'antisémitisme”, indique un communiqué du mouvement qui “attend des désaveux des propos du ministre Abbas”. Quant à Patrick Gaubert, député au Parlement européen et président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), il se déclare “pas surpris par ces déclarations à connotation antisémite” et rappelle que “l'Etat algérien et ses représentants sont coutumiers de ce genre de déclarations”. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) s'est, lui, dit “écœuré par les propos grossièrement antisémites” tenus par le ministre et a déclaré attendre un “démenti sans ambiguïté des autorités algériennes”. Pascal Andréani, porte-parole du Quai d'Orsay “Nous demandons des clarifications à Alger” “Compte tenu de l'émotion légitime suscitée par ces propos (NDLR, Abadou), nous cherchons à clarifier la position algérienne”, a déclaré à la presse la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Pascale Andréani, interrogée sur les propos du ministre algérien.