On voit mal un homme comme Ouyahia quitter la scène à «l'anglaise» à quelques jours d'un face-à-face déterminant avec ses contradicteurs. Absent à la cérémonie protocolaire lors de l'arrivée du président vénézuélien, Hugo Chavez, à l'aéroport Houari Boumediene, Ahmed Ouyahia est au centre d'une rumeur le donnant partant. Ainsi, dès mercredi matin, les salons algérois bruissaient de propos sur le départ prématuré du chef du gouvernement. Contacté par L'Expression, l'entourage du secrétaire général du RND dément formellement cette rumeur et annonce que pas plus tard que jeudi dernier, Ahmed Ouyahia était dans son bureau, occupé à préparer le rapport-bilan qu'il devra présenter devant les élus de la nation dans le courant de la semaine. Les mêmes sources indiquent que des circonstances personnelles exceptionnelles avaient empêché le chef du gouvernement d'accomplir son devoir protocolaire, d'où son absence mardi dernier à l'aéroport international d'Alger. La rumeur qui en a suivi témoigne de la «lourdeur du climat» politique en haut lieu. En effet, depuis des mois, Ahmed Ouyahia fait l'objet de tirs croisés de la part des partis de l'Alliance présidentielle qui réclament son départ. Si le FLN nuance sa position par rapport à cette question précisément, avec des déclarations parfois contradictoires, le MSP, lui, use d'un ton autrement plus direct, mettant tout le poids et la crédibilité de son président sur une prochaine démission du gouvernement. Il est entendu, à ce propos, que la présentation par Ouyahia du bilan de la politique générale de l'Exécutif est, en soi, un test majeur, non seulement pour le chef du gouvernement, mais également pour ses détracteurs qui, à travers leurs élus à l'APN, ont les moyens de concrétiser leurs ambitions de voir l'Algérie changer d'équipe du pouvoir exécutif. La proximité dans le temps du rendez-vous d'Ouyahia avec les députés n'est pas pour calmer les esprits, tous tournés vers la prochaine échéance électorale de 2007. En tout cas, lancée à dessein ou pas, la rumeur sur la démission d'Ouyahia traduit la fébrilité d'une scène politique qui se prépare déjà aux législatives. Cela dit, connaissant le caractère combatif du chef du gouvernement et surtout la mission dont il a la charge, on voit mal un homme comme Ouyahia quitter la scène à l'anglaise à quelques jours d'un face-à-face déterminant avec ses contradicteurs, d'autant qu'il bénéficie du soutien du chef de l'Etat. En effet, il est clair que dans le bras de fer qui s'est engagé au sein même de l'Alliance, Ahmed Ouyahia dispose de plusieurs atouts qui joueront sans doute en sa faveur. Le bilan, chiffres à l'appui, globalement positif du gouvernement, le soutien ferme et sans nuance du RND au programme présidentiel et la stature d'homme d'Etat du chef de file des républicains au sein de l'Alliance présidentielle, sont des éléments qui travaillent en faveur du maintien du chef d'orchestre de l'Exécutif jusqu'au terme de l'actuelle législature, en mai 2007. Pour cela, les observateurs de la scène nationale estiment qu'un départ de l'actuel gouvernement, à une année de fin de mandat, constitue un motif de déstabilisation du gouvernement et risque de porter du tort, non pas seulement à Ouyahia ou au RND, mais également à la cohésion d'une équipe gouvernementale qui, bien drivée, a montré des signes de complémentarité forts intéressants. Aussi, recommande-t-on, au niveau des cercles, tant politiques qu'économiques, de taire la «guéguerre» partisane et de laisser la Constitution jouer son rôle. Ce seront les électeurs eux-mêmes qui sanctionneront le travail du gouvernement. «L'Algérie a besoin de stabilité et s'il faut changer un responsable, ne le faisons pas pour des raisons strictement politiciennes», soutient un observateur averti de la scène politique nationale. Aussi, ceux qui ont trouvé motif à spéculer autour de l'absence du chef du gouvernement de la scène publique ces derniers jours, misent sur une issue très peu probable au vu de la conjoncture politique qui prévaut actuellement en Algérie.