Le chef de l'Etat est passé, dans son discours à Tébessa, outre la situation que vit cette wilaya et les décisions économiques qui ont amené l'UGTA à décider d'une grève générale. L'on ignore si le président de la République a évoqué avec les responsables de wilaya la déliquescence de la gestion des affaires publiques et les problèmes que pose la mafia locale à Tébessa, mais la logique aurait voulu quand même que ces questions soient au menu de son discours qui a duré pourtant deux bonnes heures. Bouteflika, en tant que premier magistrat du pays, est certainement au courant de ce qui s'est passé dans cette région frontalière. L'abus de pouvoir, les affaires de trafics à grande échelle aux frontières algéro-tunisiennes, ainsi que la connexion entre le banditisme et le terrorisme ne sont, aujourd'hui, un secret pour personne grâce, faut-il le souligner, aux sacrifices d'un homme qui sous pression a fini par se donner la mort. Il s'agit de l'ancien journaliste correspondant du quotidien El Watan, le défunt Abdelhaï Belyardouh. Loin d'aller jusqu'à suggérer à un chef d'Etat ce qu'il doit dire dans un discours, la question aurait, au moins, mérité un petit détour surtout quand il s'agit d'intervenir devant une population qui souffre d'une situation que la presse n'a pas cessé de décrire comme chaotique. Mais là n'est pas la seule omission du président de la République qui a tiré un trait sur des sujets brûlants de l'actualité nationale. D'abord ce qui est considéré comme étant un nouveau projet de loi sur les hydrocarbures. Pourquoi Bouteflika s'est-il interdit d'intervenir dans un aussi important débat qui, de l'avis de tous, engage l'avenir du pays ? Tout laisse entendre que le locataire d'El-Mouradia s'abstient de s'inscrire en porte-à-faux avec les visions économiques que défendent ses hommes au sein du gouvernement. Est-ce que c'est pour avoir affirmé auparavant que "tout est privatisable" qu'il ne veut pas, dans le contexte actuel, se mettre dans la gêne, et renoncer à ses propres convictions ? Une chose est sûre, Abdelaziz Bouteflika se garde de s'aventurer sur une chaussée glissante, chose qui apporterait de l'eau au moulin de l'UGTA qui a cessé de le soutenir il y a déjà longtemps, préférant plutôt accorder ses faveurs à son Chef du gouvernement, Ali Benflis, qui, si l'on se fie aux lectures des observateurs de la scène politique, serait sur le point de lui disputer son fauteuil de président lors de l'échéance électorale d'avril 2004. Il est anormal, en effet, que le chef de l'Etat ne se prononce pas sur la décision prise par la Centrale syndicale de paralyser le pays par deux jours de grève générale annoncée pour les 25 et 26 février prochains. Autant de questions qui engagent l'avenir des algériens et que le premier magistrat du pays a préféré occulter alors que l'opinion publique attendait des éclairages sur des problèmes qui touchent le quotidien des citoyens. A vrai dire, Bouteflika a décidé d'évacuer toutes les questions susceptibles de le gêner et les dossiers qui continuent de soulever de vives contestations sociales. S. R.