Le discours du chef de l'Etat à Tébessa l'a encore confirmé : seule la conjoncture guide ses pas. Combien de discours le président Bouteflika a-t-il prononcé depuis son élection en avril 1999 ? Cette question d'arithmétique, qui appelle davantage la réflexion qu'elle ne demande de réponse, a pour but de situer l'aspect contradictoire des déclarations du chef de l'Etat. M. Abdelaziz Bouteflika a encore parlé, mardi à Tébessa, de ses rapports avec l'armée, de la Kabylie et du terrorisme. Il en a parlé dans un discours de près de deux heures pour tenter de masquer les erreurs, les maladresses, les malentendus et les divergences. A une année de I'élection présidentielle, on semble ainsi s'éloigner de la très culpabilisante “première violence”, du début de règne. Les chefs militaires, embourbés depuis dans une campagne qui a failli souiller l'un de ses symboles en terre française, ont fini par comprendre. Leur offensive a replacé, sur un registre bien théorique bien sûr, la chose... militaire dans son contexte institutionnel. A Tébessa, M. Bouteflika a donné l'air, forcément mi-vrai mi-faux, de vouloir faire amende honorable. Le “... Que Dieu bénisse notre armée nationale populaire”, prononcé à la manière américaine, se veut, en effet, un vibrant hommage à cette institution républicaine. Il retourne même l'accusation : “... L'ANP a su résister aux tentatives de souiller sa réputation et son rôle dans la protection de l'unité nationale.” Le plus amusant est que les deux parties situent exactement la mission de l'armée dans un cadre identique, celui de la Constitution ! Le chef de l'Etat s'est aussi repenti par rapport à une période de son règne que nombre d'Algériens ont trouvée choquante. Une période résumée par sa phrase du début de mandat concernant les terroristes : “Si j'avais leur âge, j'aurais peut-être fais la même chose”, avait-il un jour déclaré. A Tébessa, le ton était très différent. “Quel genre d'humains sont-ils ? A quelle époque de l'histoire vivent-ils ? Qu'ont-ils à la place du cerveau et qu'ont-ils à la place du cœur ?” Le repentir s'est accompagné d'une offre de dialogue. Le président de la République a invité le mouvement citoyen de Kabylie à retrouver la raison, à avoir “la foi en Dieu”. Plusieurs fois, au cours de ses visites dans les wilayas, il avait vivement admonesté les délégués sans jamais trouver de griefs à l'encontre de son ministre de l'Intérieur, incapable comme le gouvernement et la Présidence, de résoudre la crise en Kabylie. Plusieurs fois, il avait accablé les archs comme s'ils étaient les responsables des malheurs algériens. Il a donc rappelé les vertus du dialogue démocratique et l'amour de la patrie pour apaiser les esprits. Au prochain discours ! L. B.