Quelle sera la réplique de la classe politique surtout celle de l'alliance, piégée par son propre jeu? Après plusieurs semaines de polémiques et de guéguerres politiques, le chef de l'Etat, est sorti de son mutisme, observé depuis son retour au pays le 31 décembre 2005, pour apporter un appui fort et incontesté à son chef du gouvernement, M. Ahmed Ouyahia. Les salaires ne seront pas réévalués et « toute thèse contraire relèverait de la démagogie et du populisme», affirmait jeudi M.Abdelaziz Bouteflika, dans un discours prononcé au Palais des nations. Une déclaration qui vient conforter la position du chef du gouvernement, lequel a jugé, le 25 janvier dernier, «illégitime, la revendication du front social ayant trait à l'augmentation des salaires». Une revendication aussitôt récupérée par la scène politique au lendemain de cette sortie. Un mois durant, elle a occupé le centre de l'échiquier politique, marqué par des tirs croisés, principalement au sein de l'alliance stratégique. Le MSP et le FLN sont montés au créneau pour faire de cette question leur cheval de bataille. MM. Boudjerra Soltani et Abdelaziz Belkhadem n'ont pas cessé de stigmatiser les orientations économiques de M. Ouyahia, également président du RND, en estimant que «l'augmentation des salaires est légitime» sans pour autant réussir à créer des répliques dans le territoire du RND ou encore dans celui du chef du gouvernement, lequel a opté pour le silence, évitant la confrontation. La réponse est venue jeudi, par la voix du premier magistrat du pays, qui, en s'adressant aux «économistes politiques», avertira: «Gardons-nous, en cette période d'aisance financière toute relative, de céder une nouvelle fois aux sirènes de la démagogie, du laxisme et de l'affairisme débridé, alors que la conjoncture actuelle du marché des hydrocarbures risque de se renverser, à tout moment». La salle de conférences du Palais des nations archicomble applaudit, à l'exception du chef du FLN et de celui du MSP qui est arrivé en retard à cette cérémonie. Sans nul doute, Ouyahia est sorti vainqueur, et plus fort que jamais, de cette énième bataille conduite par ses détracteurs. «L'heure n'est plus aux anathèmes des uns contre les autres, ni aux attitudes populistes et démagogiques. Elle est au pluralisme fécond pour le pays, à la compétition autour de démarches concrètes à même de faire progresser plus vite et mieux l'Algérie. Notre pays a retrouvé la paix civile et la sécurité ouvrant ainsi la voie à la reprise du développement», s'est-il adressé «aux parties qui se prennent pour des spécialistes en économie». Leur rappelant aussi que les réserves de change, l'argument exhibé pour justifier l'augmentation, sont dues exceptionnellement à la vente pétrolière. Et comme pour appuyer davantage M.Ouyahia et afin de lever toute équivoque, le président abandonne pour quelques minutes ses feuilles du discours officiel pour témoigner toute sa reconnaissance à un chef du gouvernement «qui a eu le courage de prendre des décisions, certes douloureuses, et dures dans une période difficile pour le pays». Citant l'augmentation des prix des produits alimentaires, mais surtout les ponctions sur salaires. « Personnellement, si j'étais à la place de Si Ahmed, j'aurais pris les mêmes décisions au vu de la conjoncture prévalant à cette époque». Jamais, le président de la République ne s'est engagé avec autant de clarté dans le discours pour défendre son chef du gouvernement et pour rappeler à l'ordre ses adversaires. Il faut dire que Ouyahia «le méritait» bien. Il a affiché une loyauté sans limite au chef de l'Etat durant la période de son hospitalisation et après son retour au pays, et ce, au moment où d'autres y compris les alliés stratégiques du président , ont brillé par leur manque «de discipline politique», en alimentant les polémiques. Révision de la Constitution, augmentation des salaires, crise à l'alliance. Au même moment, le parti du chef du gouvernement a affiché plus de retenue, en orientant son discours vers le soutien indéfectible au président de la République. Afin de couper l'herbe sous les pieds des manipulateurs de la scène politique, le président a réitéré que l'augmentation des salaires relève «exclusivement» des prérogatives de la tripartite. Les nouveaux revirements sur la scène politique introduits par le discours du président de la République, mettent fin à la péripétie de polémiques qui a commencé à prendre des formes préjudiciables. Ce qu'il faut retenir de prime abord, c'est que la mission de M.Ouyahia à la tête du gouvernement est loin de tirer à sa fin, comme le soutenaient certains observateurs. C'est en des termes à peine voilés que le chef de l'Etat l'a révélé en insistant sur le fait que « la crise politique est derrière nous et les institutions du pays sont maintenant bien assises». Approché en marge de la cérémonie officielle, le SG du FLN a défendu que «le président de la République a soutenu nos thèses, en ordonnant au gouvernement de renforcer le cadre de la concertation dans le cadre de la tripartite pour réévaluer les salaires». Il ajoute que le président a reconnu l'aspect «légitime» de «notre revendication». Même s'il l'a conditionné par des aspects, somme toute, logiques. Sur le plan politique, le FLN ne se sent pas visé par les critiques vertement lancées par le président. « Notre parti n'a jamais adopté un discours populiste et n'a nullement l'intention de le faire». Même réaction chez le MSP. M.Boudjerra Soltani nous a déclaré que le discours du président se base «sur des donnes logiques». Mais force est de constater que ces donnes sont les même arborées par le chef du gouvernement. Ce dernier a confirmé hier ses positions, affirmant que le discours du président est «une feuille de route adressée à la tripartite. S'agissant de la question de l'augmentation des salaires, il a expliqué que «les voies du dialogue sont ouvertes, à ce sujet, et à aucun moment, on a tenté de les fermer», tout en ajoutant que «l'examen de l'augmentation des salaires, auquel a appelé le président de la République, se fera au niveau de la tripartite, et ce, conformément à la réalité économique». Sidi Saïd, lui, a appelé la base à prendre acte de ce discours «dans une démarche visant à se décharger de toute responsabilité». Il s'est montré très satisfait en marge de la rencontre, en indiquant que «le discours du président ne contient aucun indice négatif». Bouteflika a-t-il réussi à endiguer la crise qui se profilait à l'horizon? Et quelle sera la réplique de la clase politique surtout celle de l'alliance qui semble aujourd'hui piégée par son propre jeu? Sur un autre chapitre, le chef de l'Etat a précisé que les lois sur la réconciliation seront promulguées avant la fin de ce mois, «Le choix de la paix et de la réconciliation nationale massivement consacré par le peuple souverain le 29 septembre dernier, renforcera, à coup sûr, la sécurité et la cohésion de notre société», conclut-il.