A quelques jours de la visite de Jacques Chirac à Alger, le quotidien français Le Parisien a entamé une grande enquête sur les relations bilatérales entre les deux pays. Le Parisien ouvre son édition d'avant-hier (lundi 24 février 2003) par un Spécial Algérie, son-dage exclusif réalisé par le CSA. Et les conclusions sont “spectaculaires”, pour reprendre le qualificatif du quotidien français. Réalisé le 20 février 2003 auprès d'un échantillon national représentatif de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, le sondage a ciblé deux thèmes : ce que pensent les Français de l'Algérie, pouvoir et situation, ensuite, l'image qu'ont les Français des Algériens de France. Concernant le premier point, l'image de l'Algérie auprès des Français reste négative mais en progrès. Ainsi, à la question de savoir s'ils ont une très bonne ou bonne image de l'Algérie, 33% des Français interrogés ont répondu favorablement. Ils étaient par contre 13% en février 2000 à avoir la même opinion posi-tive, lors d'un sondage similaire. Ce qui veut dire qu'il y a eu une nette amélioration sur trois ans avec +20 points d'opinions favorables et -20 points de jugements négatifs. Interrogés sur le bilan du président Bouteflika, les Français se montrent sévères et très critiques. C'est de loin le point le plus noir pour Alger. Car, exceptées les relations bilatérales qui sont créditées de 48% d'opinions favorables sous l'ère Bouteflika contre 30% d'avis négatifs, tout le reste est en chute libre. S'agissant de la démocratisation du pays depuis l'arrivée de Bouteflika, pas moins de 53% des Français interrogés portent un jugement négatif. Il en est de même pour la lutte contre le terrorisme où 57% des sondés estiment que le pouvoir n'a pas fait assez, donc négatif, contre 31% d'avis favorables. Sur cette question, Le Parisien précise que les sympathisants de gauche sont plus critiques (62%) que ceux de la droite (55%). Tout le contraste avec les deux politiques gauche-droite à propos de la crise algérienne. Et la corruption ? Là, aussi le constat est dure pour le pouvoir algérien, car 56% des Français estiment insuffisante la lutte contre la corruption. Le phénomène est d'une grande ampleur pour les Français qui comprennent aussi que l'élément de la corruption complique davan-tage une situation économique chaotique. Cette dernière est notée à 62% défavorablement. Même évaluation pour la lutte pour le développement et contre l'islamisme extrémiste. Ces notes catastrophiques sont recueillies majoritairement auprès des sondés quels que soient l'âge, la profession ou le niveau des études. Consensus donc autour de la dérive de Bouteflika et du régime algérien dans sa globalité. Seul point positif, l'image des Algériens de France. Le sondage de l'institut CSA pour Le Parisien bouscule, en effet, les idées reçues. Travailleurs, utiles à l'économie française et courageux, les notes sont respectivement de 68%, 65% et 64% favorables. La tendance est à la hausse par rapport au sondage de février 2000 autour des mêmes questions. La cote et la réputation paraissent, ainsi, plus positives que prévues. Il faut dire que l'image des Algériens en France ne bénéficie d'aucune indulgence. Elle aussi est ternie par l'image globale du pays, notamment en ce qui concerne le phénomène du terrorisme où, depuis le détournement de l'Airbus d'Air France en 1994, les attentats de Paris en 1995 ou encore l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996, les Algériens de France voyaient de plus en plus la suspicion les accabler davantage. Mais les Français savent relativiser et aussi positiver. Car plus de deux Français sur trois se déclarent aujourd'hui favorables à l'éventuelle signature d'un “traité d'amitié” entre les deux pays. Le résultat est impressionnant. Et les médias français évoquent de plus en plus la probabilité de conclusion d'un “traité d'amitié” sur le modèle de celui signé avec les Allemands en 1963. Bien sûr, tout ne saurait relever d'un sondage ou d'une étude des tendances. Les liens unissant les deux pays sont complexes, avec tant de mal entendu, de souffrances et d'intérêts qui ne se croisent pas toujours. Mais au milieu de toutes ces incompréhensions, une évidence : la France et l'Algérie veulent se rapprocher. Et elle le font timidement pour ne pas réveiller les vieilles blessures. H. B.