Les 12 marins ukrainiens, accusés d'homicide volontaire avec préméditation et tentative d'homicide, ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace par la cour criminelle d'Oran alors que la partie civile a demandé 8 millions de dinars pour chaque victime. Un verdict attendu du moment que l'équipage de l'Atlantic Mercado s'était abstenu de se livrer à la justice algérienne. Le procès, qui s'est déroulé, hier, en présence du père de la victime B. Mohamed, 27 ans, et de K. Abdelkader, 28 ans, est l'aboutissement d'une procédure judiciaire enclenchée au lendemain du drame qui a touché deux Algériens adeptes de “l'hedda” et qui a coûté la vie à l'un d'eux. Abdelkader n'en revient toujours pas de se retrouver parmi les vivants. Son témoignage, empreint de pudeur, le regard triste et le verbe émouvant, revient sur les dernières heures qu'il a passées avec celui qui fut son ami d'enfance. Les souvenirs refluent à la surface de la réalité et les images de Mohamed en train de se battre contre la mort se bousculent dans sa tête. “Tout a commencé lorsqu'en compagnie de Mohamed et de Saïd, un autre ami à nous, nous avons décidé de tenter notre chance en nous embarquant clandestinement à bord d'un navire mouillant au port d'Arzew”. La détresse des trois clandestins était telle que le choix du bateau importait peu pourvu qu'il les emmène vers le rivage de l'espérance. Ils décideront de gagner l'unique bateau à quai, ce jour-là. “On est entré par la pêcherie avant de nous jeter à l'eau pour gagner le bateau qu'on pensait italien. Il était près de 1 heure du matin”. Pour tout ravitaillement en prévision de la traversée qui les attendait, trois bouteilles d'eau potable, autant de couvertures et deux sachets de gâteaux secs. Deux jours passeront dans l'attente et la crainte d'être découverts au fond de la cale du navire transportant des déchets ferreux. Saïd sera le premier à flancher et il décidera de laisser tomber et ses compagnons d'infortune et l'aventure. Il quitte la cale et rejoint le port. “Nous pensions que l'écoutille resterait ouverte, mais on a dû déchanter lorsqu'on a voulu sortir. La soif étant plus forte, on a décidé d'appeler à l'aide. On était du côté de Achaâcha, à quelque trente kilomètres d'Arzew”. Leurs coups sur la porte finiront par attirer l'attention des marins. “Le commandant est venu jeter un coup d'œil avant de me cracher à la figure. Personne ne nous dira quelque chose”. Abdelkader semble puiser dans ses souvenirs avant de reprendre. “On nous a fait monter sur le pont et là, entourés de l'équipage menaçant, on nous a remis deux gilets de sauvetage, un jerrican d'eau et on nous a jetés à la mer”. Douze, le compte y est et Abdelkader, pris au piège, n'aura que le temps de compter ses bourreaux et de prier son Créateur. Il était un peu plus de 18h. “La mer était démontée et après dix minutes dans l'eau, j'ai perdu de vue Mohamed”. Plus de six heures à se battre contre les vagues, Abdelkader est rejeté par la mer sur la plage de Abdelmalek-Ramdane, un hameau de quelques âmes. Secouru, il passera la nuit chez l'un des habitants avant d'informer son père. “J'ai pensé à mes parents, au jour du Jugement dernier et je pensais mon heure venue”. Abdelkader est toujours pêcheur. Les douze marins ukrainiens demeurent toujours en fuite. Saïd Oussad