Il se définissait ainsi, Abdelhamid Benzine. “Je suis un incorrigible optimiste”, répétait-il à ses amis que surprenait son obstination à braver les tempêtes en refusant de se laisser circonvenir par les objections, les appels à la prudence et, parfois, ces doutes qui mettent en échec, avant même le début de leur mise en œuvre, les grandes décisions. Travailleur inlassable, animé de cette foi militante que ne désarçonne et ne désarme aucune difficulté, Abdelhamid Benzine se trouvait dans les rangs du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) dès ses dix-huit ans révolus. Attiré par l'activité syndicale, il ne tarde pas à rejoindre la CGT (Confédération générale du travail) avant d'adhérer au PCA (Parti communiste algérien) en 1953. Après la Guerre de Libération nationale à laquelle il a participé activement, ayant gagné le FLN en 1955, l'indépendance le trouve à la tête de la rédaction d'Alger Républicain, poste qu'il assumera jusqu'à l'interdiction de cet organe en 1965. C'est ensuite l'aventure du Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS), durant laquelle, en clandestinité sous le règne du parti unique, il connaîtra les déconvenues et désagréments, voire les persécutions auxquelles sont soumis plusieurs de ses compagnons, parmi lesquels Bachir Hadj Ali. Il lui faudra attendre les lendemains du grand virage d'octobre 1988, pour revenir à l'activité par laquelle il lui était le plus possible d'exprimer ses idées et de mener son combat. Croyant fermement aux valeurs d'un marxisme que n'édulcorerait aucune de ces avanies euphémiquement justifiées par la formule de “socialisme spécifique”, lui qui croit fermement que la priorité absolue est d'assurer l'épanouissement de l'homme — et par voie de conséquence — de la société, il s'emploie à faire exister et revivre Alger Républicain. La tâche est rude, mais Abdelhamid Benzine ne s'avouera vaincu qu'à la toute dernière limite, le quotidien perclus de dettes n'avait plus les moyens de paraître. Peu de temps après, tout en demeurant fidèle au parti, il préférera laisser aux jeunes le soin de poursuivre sa mission et renouera avec l'écriture. Ceux qui ont lu son premier récit, Le Camp, préfacé par Henri Alleg (ancien directeur d'Alger Républicain), n'auront pas manqué de relever des éléments autobiographiques. Il y relate les conditions de vie dans le camp de Boghari où il a été interné après avoir été pris les armes à la main par les militaires français puis détenu un temps à Lambèse. Le texte, qualifié de hallucinant par le préfacier, s'achève sur “l'espoir généreux d'une société multiraciale et fraternelle”. En 1965, paraît, à Alger, Journal de marche, un recueil de notes prises au maquis d'août à octobre 1956 (écrites sur des petites feuilles cachées au fur et à mesure dans une boîte métallique qu'un ami cachait dans un trou de son jardin). On y découvre des détails de la vie au maquis saisis par le regard et la sensibilité d'un narrateur qui croit fortement à la grandeur et à la solidarité dans les moments cruciaux de l'existence. Lambèse et La montagne et la plaine ont été publiés dans les années 1980 qui complètent le profil et les crédos de Abdelhamid Benzine. Si Abdelhamid est parti à 77 ans, au terme de sa mission. Il laissera le souvenir d'un homme patriote, serein et constant, d'un homme courageux qui a consacré son existence à une cause dans laquelle il puisait ses inébranlables certitudes. M. A.