Beaucoup d'appareils de l'ancienne flotte sont encore en circulation. Ils ont entre 20 et 25 ans d'âge. Le B 737 qui vient de s'écraser circule depuis 1984. Tous les experts de l'aviation civile vous diront : “Tant qu'un avion peut voler, il vole, pourvu que soient effectués les contrôles techniques nécessaires.” Le Boeing 737-200 qui s'est crashé, jeudi dernier, était-il en état de voler ? Nous n'avons aucune raison de douter que l'appareil eût subi d'une manière suffisante, les contrôles techniques d'usage avant d'être autorisé à décoller. Cependant, cela remet de plein fouet sur le tapis la question de l'état de la flotte d'Air Algérie. L'on se rappelle que, de l'aveu même des responsables de la compagnie, ladite flotte était qualifiée sans ambages de “vieillissante”. D'ailleurs, le plan de redressement de l'entreprise reposait dans une très large mesure, sur le renouvellement de son parc navigant. Pour rappel, la compagnie nationale dispose d'une quarantaine d'appareils. En vérité, le chiffre oscille entre 42 et 44 aéronefs. Le fait est que les deux dernières années ont vu le retrait de nombre d'appareils et leur remplacement progressif par d'autres. Air Algérie avait passé une commande, avec l'appui de l'Eximbank, pour l'acquisition de 12 appareils, des moyens porteurs pour la plupart, auprès du géant de Seattle, le constructeur Boeing. Ces appareils devaient notamment permettre à la compagnie de conforter ses bases sur le marché européen, en se mettant en conformité avec les nouvelles normes de navigation aérienne (système antibruit, système radar BRNAV principalement). Cela dit, beaucoup d'appareils de l'ancienne flotte sont encore en circulation. Ils ont entre 20 et 25 ans d'âge. Le B 737 qui vient de s'écraser circule depuis 1984. Il convient toutefois de noter que l'âge en soi ne veut rien dire, car, quel que soit son âge, un avion est soumis à une visite scrupuleuse. Régulièrement, il est démonté pièce par pièce pour être passé au scanner. C'est ce qu'on appelle dans le jargon, la GV : la grande visite. Le hic, c'est que, au terme d'un certain nombre d'heures de vol, l'entretien de l'avion est plus coûteux que l'acquisition d'un appareil neuf. En tout cas, le fait est là : sans vouloir faire une entorse à la marche de l'enquête, et dans l'attente des révélations de la boîte noire, il est des bribes, des “détails”, qui en disent long, à eux seuls, sur l'état d'une partie de notre flotte nationale. Il semblerait que l'appareil défaillant souffrait depuis la veille de problèmes de moteur. Des problèmes qui n'auraient pas été suffisamment pris au sérieux. Du reste, nos amis d'Air Algérie témoignent, à juste titre, que “les pannes techniques font partie de l'équipage” tant elles sont monnaie courante, et cela vaut pour toutes les compagnies aériennes. “Si vous pouviez savoir dans quelles conditions s'effectuent nos vols” susurrent, sous cape, des membres du personnel naviguant. Dans une conférence de presse qu'il avait animée le 29 juillet 2002, et dont le thème était consacré à l'explication des retards des vols, le PDG d'Air Algérie lui-même, M. Tayeb Benouis, en avait imputé une partie aux pannes techniques. Au passage, il parlera du retrait de trois 737 vieillissant, et trois 727, en attendant la mise hors circulation de deux Airbus A310, deux Hercule 100-30, et sept Fokker F27. Autant dire que la moitié de la flotte était bonne à mettre à l'encan. Hier, à l'aéroport Houari-Boumediene, des membres des équipages d'Air Algérie laissaient échapper leur ras-le-bol. Des hôtesses se sont lâchées, comme si cette tragédie avait soulevé la chape de plomb qui les empêchait de “crasher” le morceau, notamment quant à la pression et la surcharge de travail qui pèsent sur les équipages. Elles ont parlé sous le regard réprobateur de certains cadres qui souhaitaient que les problèmes internes du personnel soient évoqués hors caméra. “Je vous conjure de ne pas parler aux journalistes des questions techniques. Il ne faut pas s'aventurer à émettre des hypothèses hasardeuses. Attendons les conclusions de la boîte noire !”, disait un steward dans une tentative de maintenir la cohésion au sein de la famille Air Algérie. Pour revenir au cas de cet incident précis, d'aucuns ne comprennent pas que le système anti-incendie n'ait pas fonctionné, ce qui recouperait l'hypothèse du “décalage technologique” entre des appareils de différentes générations. “Dans la plupart des cas, quand un réacteur prend feu, un mécanisme anti-incendie se déclenche automatiquement, et l'on peut, sans problème faire poser l'appareil. Nous sommes entraînés pour ça”, nous confiait un pilote de l'armée de l'air, il y a quelque temps. Notre discussion à l'époque était toute “théorique”. Quand on connaît l'extrême importance accordée au chapitre “sécurité” par les professionnels du domaine et la très grande sensibilité des constructeurs aéronautiques à ce genre d'événements, il est aisé d'imaginer qu'à la maison Boeing, on suit cette affaire de très près. Crash à Tam. Panique à Seattle… M. B.