A voir les facilitations accordées à nos voisins, marocains et tunisiens - qui obtiennent leurs visas 48 heures après le dépôt des dossiers - on finirait par croire que les Algériens sont confrontés, en la matière, à un « régime d'exception ». Du côté de Paris, on appelle cela le « partenariat d'exception » ! A la lenteur constatée dans le traitement des dossiers viennent se greffer la multiplications des documents et la majoration des tarifs des visas. Toute personne souhaitant visiter le pays de Jacques Chirac doit, en effet, présenter un « fagot » de pièces administratives. Elle doit aussi verser 35 euros (ou l'équivalent en dinars), représentant les frais de traitement du dossier. Cette somme n'est pas, toutefois, remboursée au cas où la demande se solde par un avis défavorable. Perdre 3500 DA sans obtenir le visa paraîtrait, aux yeux de plus d'un Algérien, comme une injustice flagrante, voire une arnaque avérée. En revanche, si la demande est acceptée, le demandeur devra également prouver qu'il est titulaire d'une assurance-voyage couvrant les frais de rapatriement pour des raisons médicales ou autres. Parfois, même si le postulant présente un dossier consistant, avec toutes les pièces exigées, l'avis favorable n'est pas pour autant évident. L'agent chargé de l'étude de son dossier doit avoir du flair pour s'assurer que le demandeur présente des garantie de retour ! « En 2005, le taux de délivrance des visas a, pour la première fois depuis plus de dix ans, dépassé 50% des demandes », a déclaré Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, lors de sa récente visite en Algérie. Par ailleurs, le chef de la diplomatie française a reconnu que « les délais de délivrance sont trop longs et les conditions d'accueil insatisfaisantes ». Pourquoi les Français n'agissent pas en conséquence pour régler l'un des problèmes à l'origine de la crispation des relations entre les deux pays ? En attendant Godot ! Lors de sa dernière sortie médiatique, Francis Heude, le consul général de France en Algérie, a indiqué que ses services ont accordé aux Algériens 150 000 visas durant l'année 2005 sur un total 250 000 dossiers déposés. C'est-à-dire presque une demande sur deux aboutit à la délivrance du précieux sésame. Il a, toutefois, précisé que le nombre de demandes a baissé puisque, a-t-il ajouté, « en 2001, ses services ont traité près de 800 000 demandes ». Interrogé sur les raisons de cette baisse, M. Heude a parlé de l'augmentation des tarifs de visa et de l'amélioration de la situation sécuritaire et économique de l'Algérie. Pour de nombreux jeunes demandeurs de visa, les explications fournies par les autorités consulaires françaises ne tiennent pas la route. « Quand je dépose une demande de visa, j'ai l'impression que je joue au poker. En l'espace d'une année, j'ai déposé deux dossiers et j'ai essuyé deux refus. Du coup, j'ai perdu plus de 10 000 DA, sans compter les frais de mes déplacements de Chlef à Alger », a souligné un jeune homme rencontré, hier, au consulat de France à Alger. Notre interlocuteur n'est pas pour autant désespéré. « Je vais tenter ma dernière chance, peut-être sera-t-elle la bonne », a-t-il dit avec une note d'espoir. Que sont-elles devenues les promesses faites par les responsables français concernant les facilitations de la procédure d'octroi des visas pour les Algériens ? Les mots ne sont que des mots, puisque dans la pratique rien n'a changé, sinon très peu. Les consulats de France sont toujours barricadés et la suspicion semble être la règle générale. En ce sens, l'enthousiasme qu'avait suscité la visite d'Etat effectuée en Algérie, en mars 2003, par le président français, Jacques Chirac, fut de courte durée. M. Chirac, on s'en souvient, s'était offert un bain de foule historique à Alger. La foule scandait alors : « Visas ! Visas ! ». Le message est resté sans écho. Pis encore, quelques mois après cette visite, soit le 16 octobre 2003, le Sénat français avait voté une loi relative à la « maîtrise de l'immigration ». Le consul général de France à Alger a estimé que « cette loi ne concerne pas vraiment les Algériens ». Pourtant, les faits sont là, têtus : les Algériens sont plus que jamais bloqués par les visas.