Même le cœur étreint par l'angoisse, il n'était pas question de renoncer au départ de ce voyage prévu dans le cadre de la Journée internationale de la femme . C'est un bien triste 8 mars que celui qui a été célébré dans notre pays pour commémorer la lutte des femmes à travers le monde pendant plus d'un siècle. Le cœur n'est pas à la fête alors que des familles pleurent leurs morts. victimes de la catastrophe aérienne, qui a coûté la vie à 102 personnes (passagers et membres de l'équipage). Coup du hasard, Ghardaïa, l'une des wilayas frappées par le sort, avait déjà été retenue pour la célébration officielle de la Journée internationale de la femme. Il n'était pas question de renoncer au départ, ce qui aurait donné à chacun de nous, journalistes et membres de la délégation, une impression de lâcheté, mais la peur étant un sentiment humain, surtout après un accident d'une telle ampleur et le premier du genre chez nous, c'est le cœur étreint par l'angoisse que nous avons rejoint l'aéroport d'Alger très tôt samedi matin. Affichés au salon d'honneur, les portraits des six membres de l'équipage de l'avion qui s'est écrasé à l'aéroport de Tamanrasset attirent l'attention. Certains des arrivants marquent un temps d'arrêt comme pour saluer leur mémoire. La ministre déléguée à la Famille et à la Condition féminine, Mme Boutheïna Cheriet, fait la tournée pour discuter avec ses invités. Aux journalistes, elle déclare que le programme a dû être allégé compte tenu des circonstances dramatiques que vit le pays et que la cérémonie sera symbolique. Le moment tellement appréhendé arrive. Nous embarquons à bord de l'avion spécial d'Air Algérie à destination de Ghardaïa. “Il faut lire les sourate El Mouawidhate”, nous recommande une consœur. L'émotion s'empare de chacun lorsque le chef de cabine, avant d'entamer les consignes de sécurité, se met à faire “la prière du voyageur”. Avec beaucoup de dignité, le personnel de bord accomplit les tâches habituelles sans laisser paraître aucune trace d'inquiétude. Mais le moment le plus pénible est vécu à l'arrivée lorsque, sur la passerelle, le chef de cabine pleure ses collègues disparus après avoir reçu les condoléances de certains membres de la délégation. Face à tant de douleur, on ne peut que se sentir impuissant. “Nous vous attendrons et nous repartirons ensemble”, lance-t-il aux derniers passagers. Une phrase tellement significative prononcée dans ces circonstances douloureuses dans un désir de communion avec ceux qui partagent sa tristesse et qu'il considère comme les siens : rien d'autre que le vœu de rentrer tous sains et saufs. L'heure de la visite s'achève. Nous retournons à l'aéroport de Ghardaïa où nous croisons les corbillards et les ambulances de la Protection civile emmenant les dépouilles vers leurs familles. Un sexagénaire crie à qui veut l'entendre que le corps qui lui a été remis n'est pas celui de son proche. Nous ne pouvons quitter des yeux la procession de véhicules mortuaires quittant l'aérodrome. Mme Cheriet s'approche, nous prend par l'épaule et nous murmure : “Nous avons trop vécu dans la douleur”. En effet, notre pays n'arrive pas à panser ses blessures tant le sort semble s'acharner sur lui. La “prière du voyageur” accompagne encore une fois notre embarquement pour le retour. Jamais atterrissage n'a été autant applaudi que celui de ce samedi soir lorsque l'avion s'est posé sur la piste de l'aéroport d'Alger. Il a été précédé de peu par l'avion spécial qui a transporté de Tamanrasset via Ghardaïa les corps des victimes du crash de jeudi dernier. R. M.