Bush, le républicain qui ne fait face à aucune opposition “démocratique” à propos de la guerre contre l'Irak, est en train de pervertir un système politique pris pendant longtemps pour un modèle de démocratie. Les journalistes qui couvrent les activités de George W. Bush sont triés sur le volet, les Américains qui n'épousent pas les visées expansionnistes de la Maison-Blanche n'ont plus droit de cité dans les médias qui les boudent. L'une des plus vieilles démocraties du monde est en train de devenir une vraie dictature. De Tocqueville qui, à la fin du XIXe siècle, était émerveillé par la “démocratie américaine”, devrait se retourner dans sa tombe. Le pays de Jefferson et d'Abraham Lincoln effectue un glissement dangereux vers l'intolérance. L'acharnement de Bush contre l'Irak et l'embarquement de toute la presse américaine dans une aventure guerrière à laquelle le monde entier a refusé de prendre part, ont mis à nu la pernicieuse régression d'un système politique longtemps cité comme modèle à suivre pour la communauté internationale. D'un coup, toutes les prévisions des savants libéraux tournent à l'impertinence. Si Francis Fukuyama, dans son essai La fin de l'Histoire, publié au début des années 1990, a pronostiqué, après l'effondrement du communisme et du bloc de l'Est, le triomphe, à travers le monde, de la démocratie libérale, c'est, au contraire, son premier représentant qui la remet en cause. Les citoyens américains qui s'opposent à Bush-fils dans sa logique guerrière, sont aujourd'hui traités d'antipatriotiques, de lâches allant à contre-courant des intérêts de leur pays. Et le bourrage de crâne, digne de Goebbels, auquel s'attellent les puissances financières à travers leurs journaux, leurs radios et leurs chaînes de télévision, est là pour le leur faire savoir à longueur de journée. Des pratiques qui rappellent, en effet, les malheureux épisodes des années 1960 et 1970 et la persécution, tous azimuts, de tous ceux qui ont osé exprimer un jour des idées qui ne cadrent pas avec “the american way of life”. Les Américains auront fort à faire avec le retour de l'ordre dictatorial. Bush muselle toutes les voix qui s'opposent à ses projets. Les journalistes sont épiés et ceux qui peuvent faire basculer l'opinion américaine sont privés d'antenne. Sky News, CNN, Fox entre autres accomplissent le reste de la besogne en desservant à profusion la propagande de guerre, semant l'intolérance et nourrissant les pratiques liberticides. Beaucoup d'Américains boycottent les produits français parce que le pays de Chirac a dit non à la guerre contre l'lrak. Ils sont tellement embarqués dans une sorte de tourbillon médiatique qu'ils ne se rendent même pas compte que ce sont les fondements de leur démocratie qui sont piétinés par un Bush qui, en empruntant à la mégalomanie du Fuhrer, harangue ses compatriotes en leur disant qu'ils sont “le meilleur peuple, la plus grande nation que Dieu ait bénie”. Les nazis sont passés par là. A une journaliste qui cherchait à comprendre sa politique, le locataire du Bureau ovale, lui conseille d'aller dans sa ville natale, le Meed Land, si elle voulait cerner sa personnalité. Et en s'y rendant, la curieuse journaliste de France 2, a découvert que la tribu de Bush est sur la première ligne du front. Les propos de ses compatriotes que l'envoyée spéciale de l'émission Envoyé spécial (F2) a eu à interviewer montrent par ricochet toute l'inélégance de la diplomatie du chef de la Maison-Blanche qui ne manque pas d'exhiber à chaque fois qu'il mande sur l'US Force la valise qui contient les détonateurs nucléaires. Pour l'un d'eux, “les Irakiens vont chier dans leurs frocs, les Français et tous ceux qui sont contre la guerre sont des gansés”. L'Amérique vire dangereusement. Les Etats-Unis vivent dans la dictature de deux partis uniques. S. R.