Moins de dix minutes après l'attentat qui a ébranlé la localité de Réghaïa, un deuxième commissariat a été la cible d'un autre véhicule piégé à Dergana, achevant le scénario d'un double attentat qui porte la signature du GSPC. Dergana. Siège de la sûreté urbaine et de la BMPJ. Le périmètre entourant le commissariat est hermétiquement bouclé par des policiers. Des agents de la police scientifique en uniforme blanc s'affairent à collecter des pièces pour les besoins de l'enquête. La nuit précédente, aux coups de minuit passé de 5 minutes, un véhicule – probablement une camionnette – a explosé dans une petite ruelle derrière le commissariat, faisant au moins un mort, une femme selon les riverains. La violence de la déflagration était telle que les débris de l'engin piégé seront projetés plusieurs dizaines de mètres à la ronde. L'explosion a provoqué des dommages au commissariat, faisant sauter une partie du mur d'enceinte ainsi que la façade de certains bâtiments de la sûreté urbaine. À notre arrivée sur les lieux, les façades endommagées étaient recouvertes d'une bâche noire. En face, plusieurs villas arboraient le même spectacle : murs d'enceinte soufflé par la déflagration, chambres entières volées en éclats… “Il y a cinq villas qui ont été sérieusement touchées”, témoigne un habitant du quartier. Il s'agit, en fait, d'un quartier résidentiel bordé d'une cité dite des 297-Logements. Plusieurs appartements des immeubles alentour avaient les vitres soufflées par l'explosion. Un jeune qui tient un magasin de vente et réparation de bicyclettes, et dont le magasin se trouve à quelques mètres seulement derrière le commissariat ciblé, raconte : “ J'étais peut-être le premier à sortir quand j'ai entendu l'explosion. La rue était encore déserte. J'étais en train de voir un film sur un DVD quand j'ai entendu une forte déflagration. Il devait être 00h05 mn. Elle survenait quelques minutes après une première explosion du côté de Réghaïa. Au début, j'ai cru à un séisme. La déflagration s'opérait en cascade. Les débris de l'explosion sont arrivés jusqu'au magasin. La détonation était si forte qu'elle a défoncé le portail du magasin et la portière de ma voiture. Elle a également brisé les vitres comme vous pouvez le constater.” Un autre témoin renchérit : “Une aile du véhicule piégé a été projetée à au moins 100 m du lieu de l'attentat.” Nos témoins ont-ils constaté des victimes ? “Non, je n'ai rien vu. C'est que la ruelle était complètement déserte. Habituellement, à minuit, tout le monde est rentré chez lui depuis longtemps”, affirme le réparateur de bicyclettes, avant de préciser : “Dans une salle de jeux à côté, des jeunes sont tombés dans les pommes, mais il n'y a pas eu de blessés.” Traumatisée par le séisme du 21 mai 2003, la population de Dergana, à l'instar de ce jeune homme, ne pouvait que penser à un tremblement de terre, surtout que les attentats à la voiture piégée étaient, croyaient-ils, ensevelis à jamais dans une amnésie entretenue. D'aucuns, en revanche, ont eu un sentiment de déjà-vu devant ce triste spectacle qui faisait instantanément dérouler la bobine de la mémoire collective jusqu'aux années noires du terrorisme où les véhicules piégés étaient leur pain quotidien. Certains riverains ont tenu d'ailleurs à le souligner : “Echaâb moualef, nous avons pris l'habitude. Ça c'est rien devant ce que nous avons enduré par le passé”, dit l'un d'eux, désabusé. Une file de camions de l'APC de Bordj El-Kiffan et d'autres structures étaient stationnés aux alentours du commissariat. La police scientifique recueillait encore des échantillons de l'engin explosif avant de partir escortée par des patrouilles de la police. Une équipe de la Sonelgaz prendra ensuite le relais pour procéder à des travaux de réparation. Sitôt la Sonelgaz ayant cédé le terrain, un bulldozer s'est engouffré dans la ruelle pour ramasser la carcasse du véhicule piégé et les morceaux de tôle et autres objets mécaniques éparpillés aux quatre coins du périmètre de sécurité. Pendant ce temps, une meute de reporters attendait une déclaration qui ne viendra finalement pas. “Nous ne pouvons rien vous dire, adressez-vous à la cellule de communication de la DGSN”, se contente d'annoncer un officier à l'adresse des journalistes. Nous ne sommes pas non plus autorisés à approcher les occupants des villas touchées par ce “séisme” criminel. Et, fatalement, à défaut d'une information “sourcée”, les rumeurs vont bon train et les bilans contradictoires enflent. Les reporters-photographes resteront sur leur faim. Certains parmi eux qui étaient de service à Réghaïa ont été “embarqués” et sommés de vider leurs clichés. Jusqu'en fin de journée, l'opération de nettoyage du quartier se poursuivait. Notons que ce deuxième attentat, qui porte la signature de celui de Réghaïa, vient dans la continuité d'un été que le GSPC voulait sanglant, lui qui n'avait de cesse de harceler les estivants à longueur de plage. Qu'on se rappelle cette série d'attentats qui avaient secoué les localités de Réghaïa, de Bordj El-Kiffan, de Bordj El-Bahri, de Boudouaou, de Corso, et autres Boumerdès. Mustapha Benfodil