Avocate et sénatrice, Zohra Drif est l'une des premières combattantes dans les rangs du FLN aux côtés de Djamila Bouhired et Djamila Boubacha. Elle est en première année de droit à l'université d'Alger quand éclate la guerre de libération nationale, le 1er Novembre 1954. Elle s'engage très tôt dans les rangs du FLN puis participe activement à la bataille d'Alger, en 1957, en tant qu'adjointe de Yacef Saâdi, chef de la zone autonome de l'Algérois. 52 ans après le déclenchement de la révolution, Zohra Drif évoque son engagement pour l'Algérie indépendante. Liberté : On fête aujourd'hui le 52e anniversaire de la révolution algérienne, que reste-il de l'esprit de novembre 1954 ? Zohra Drif Bitat : L'esprit du 1er novembre c'est avant tout le sentiment et la fierté de faire partie d'une communauté forgée par une grande histoire. L'esprit du 1er Novembre c'est la détermination à se mettre au service du pays d'abord, pour rendre à notre peuple bafoué sa terre et ensuite pour reconstruire un Etat ou chacun des algériens jouit de ses droits, mais accomplit avec rigueur ses devoirs. C'est aussi une solidarité sans faille entre les enfants de cette terre. En un temps extrêmement court dans l'histoire d'un pays, 44 ans d'indépendance, après 130 ans de négation de l'histoire, de l'identité d'un peuple et 7 années d'une guerre féroce, il me paraît que nous avons parcouru un chemin immense, l'Algérie et la vie des algériens aujourd'hui n'ont rien mais absolument rien de comparable à la vérité et à la réalité de l'Algérie et de la vie des algériens avant 1954. Mais où somme-nous aujourd'hui de cette histoire et de ce 1er novembre ? En même temps, il me semble vivre une régression dans la détermination des algériens à faire de leur pays un Etat organisé, moderne, au service du développement du peuple et de la nation. Car c'est de la responsabilité de chacun des algériens et de chacune de construire cet Etat moderne. C'est vrai que le phénomène de l'attachement aux biens matériels est un phénomène mondial, mais ce qui est grave chez nous c'est qu'il semble qu'on ait oublié un principe universel et éternel à savoir que la vraie richesse c'est le travail. Car c'est le travail qui génère la richesse et qui donne à l'homme sa dignité. On peut certes accumuler des fortunes, mais il est clair et sûr que ces fortunes en soi ne sont rien sans le travail, sans le labeur. En tant que combattante et épouse de feu Rabah Bitat, un des 22 chefs historiques de la révolution, qu'avez-vous inculqué à vos enfants ? Nous avons essayé de leur inculquer l'amour de leur pays et de se dépasser et ne pas céder aux facilités de notre temps. Car s'il a fallu le combat de plusieurs générations avec tout ce que cela implique comme douleur, sang et larmes pour recouvrer la liberté et vivre dans les faits cette liberté, il suffit qu'une seule génération baisse la garde pour que tout soit oublié. Qu'avez-vous à dire aux jeunes générations ? Je dirai qu'on ne peut réellement s'épanouir que dans un pays libre et libéré. Je leur dirai que seuls leur travail et leur combat leur permettront d'avoir leurs droits. Il faut que cette génération connaisse son histoire, chaque génération doit mener son combat. Propos recueillis par Wahiba Labreche