Face aux pressions américaines visant à l'obliger à céder sur la démocratie en Egypte, Hosni Moubarak prend le risque de mécontenter Washington en allant discuter de sujets sensibles avec Vladimir Poutine. Allié de longue date des Etats-Unis, le raïs égyptien surprend les observateurs politiques en prenant le chemin de Moscou, où il sera question de sécurité internationale et la coopération russo-égyptienne dans le domaine du nucléaire. C'est dire que le déplacement de Moubarak chez Poutine revêt un caractère fort important comme l'a déclaré l'ambassadeur égyptien à Moscou, Izzat Saâd : “La visite à venir est très importante parce que la Russie joue aujourd'hui un rôle important sur l'arène internationale.” Selon l'analyste russe Vadim Koziouline, l'intérêt soudain du Caire pour la Russie s'explique par “le flou dans les relations du Caire avec les Etats-Unis qui peuvent toujours taxer de tyrannie leurs ex-alliés” peu démocratiques à l'instar de l'Ouzbékistan “lâché” par Washington après la sanglante répression d'un soulèvement à Andijan en mai 2005. Redoutant ainsi de subir le même sort, le régime Moubarak prend ses devants de peur de se retrouver pris au piège. Hosni Moubarak ne se limite pas à vouloir acquérir la technologie militaire russe, il conseille également à son Vladimir Poutine de suivre son exemple quant à sa présence au Kremlin. En effet, le raïs a déclaré dans la presse russe qu'il conseillerait à son homologue russe de rester au pouvoir à l'issue de son deuxième et dernier mandat présidentiel en 2008. “Votre Constitution qui permet seulement deux mandats, c'est une imitation des Américains ? Vous critiquez les Américains, mais vous les imitez ? (...) Déterminez-vous ! La Russie a besoin de Poutine”, a-t-il affirmé dans des déclarations à la presse russe avant de rallier Moscou. Dans ce contexte, Poutine a répété la semaine dernière que la Constitution russe ne lui permettait pas de briguer un troisième mandat consécutif tout en suggérant qu'il continuerait à exercer une “influence” en Russie après 2008. Les initiatives régionales en faveur d'un troisième mandat se multiplient et six Russes sur dix sont favorables à une révision de la Constitution en ce sens, selon les derniers sondages. Quant à l'approvisionnement en armement de l'armée égyptienne, un expert estime que l'Egypte pourrait acheter à Moscou des avions d'entraînement MiG-AT et des avions de combat MiG-29. Pour rappel, Moubarak qui a suivi des études militaires à Moscou dans les années 1960 connaît bien les systèmes de défense antiaérienne russes, qu'il qualifie de “meilleurs au monde”. Concernant le nucléaire, un domaine sensible, l'Egypte, qui annoncé la relance de son programme atomique civil après un gel de 20 ans, le président égyptien affirme, en faisant allusion aux Etats-Unis, qu'il ne “prend pas en considération tel ou tel pays”. Pour rappel, à la fin des années 1970, l'Egypte avait voulu installer huit centrales nucléaires pour produire de l'électricité, mais n'en a finalement réalisé aucune. Son programme est gelé depuis la catastrophe de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, en 1986. La Russie, qui construit la centrale nucléaire de Bouchehr en Iran et vient de remporter un contrat pour la construction d'une centrale en Bulgarie, ambitionne de son côté de développer ses activités dans ce domaine hors de ses frontières. K. ABDELKAMEL