Une fois son discours terminé, le raïs a quitté le forum économique sur le Moyen-Orient à Charm El-Cheikh sans attendre celui de son hôte américain en signe de mécontentement contre les appels de George Bush à la démocratisation de l'Egypte. En effet, rompant avec sa courtoisie habituelle, Hosni Moubarak n'a pas caché sa colère vis-à-vis du président américain, dont la tournée dans la région s'achevait à cette occasion. Ce geste confirme le froid existant entre les deux hommes, notamment depuis le début du second mandat du locataire de la Maison-Blanche, date qui a vu Moubarak réduire ses contacts avec Washington. Il n'a effectué aucun voyage aux Etats-Unis depuis 2004, préférant se rendre à Moscou pour des contrats d'armements. Selon la presse égyptienne, il s'agit d'un acte délibéré, même si aucune explication officielle n'est venue expliquer la sortie précipitée du raïs. Il faut dire que l'ire de Hosni Moubarak trouve son explication dans le fait que les critiques de Bush interviennent au moment où la question de sa succession est au centre du débat politique au Caire. Considéré comme son successeur potentiel, son fils Gamal joue un rôle politique de premier ordre depuis plusieurs années, en sa qualité de haut responsable du parti au pouvoir. Ceci confirme les intentions du chef de l'Etat égyptien de lui céder le pouvoir. Il est même question que cela se fasse avant la fin de ce nouveau mandat en raison de l'âge avancé de Hosni Moubarak, lequel à 80 ans éprouve des difficultés à assumer sa charge. Il faut dire que les critiques américaines contre le régime égyptien, particulièrement sur la question des droits de l'homme, ne sont pas un fait nouveau. La condamnation en décembre 2005 à cinq ans de prison de l'opposant Aymen Nour, qui était arrivé deuxième à l'élection présidentielle derrière Moubarak, a été vivement condamnée par l'administration Bush. Le président américain a exacerbé la colère de l'entourage de son homologue égyptien en dénonçant le refus des régimes arabes de donner à leurs peuples le droit de choisir leurs dirigeants. Cela a été interprété comme une attaque directe contre le régime. Affirmant que l'Egypte avait avancé sur la voie des réformes économiques, Bush a souligné que “la réforme économique doit cependant être accompagnée d'une réforme politique”, avant d'enfoncer le clou en ajoutant : “J'espère toujours que l'Egypte pourra conduire la région vers une telle réforme.” Poursuivant sa diatribe, il dit : “Très souvent au Moyen-Orient, la politique consiste en un seul dirigeant au pouvoir et l'opposition en prison.” En réaction, Moubarak rétorqua que l'Egypte refusait “les tentatives d'imposer la démocratie par l'étranger et poursuivait ses réformes démocratiques en prenant en considération les spécificités de notre société”. Cela a été rejeté par le locataire du bureau ovale, qui répondit : “Certains dans le monde arabe disent que la démocratie est une valeur occidentale, que l'Amérique veut imposer à des citoyens qui n'en veulent pas (...) Or, en vérité, la liberté est un droit universel.” K. ABDELKAMEL