Agissant sur plainte en diffamation introduite par le colonel Al-Kadhafi contre le quotidien algérien Echourouk, le tribunal de Hussein-Dey (Alger) a condamné, le 31 octobre dernier, le directeur de la publication et une de ses journalistes à 6 mois de prison ferme et à 20 000 dinars d'amende chacun, assortis du versement au plaignant de 500 000 DA (50 millions de centimes) à titre de dommages et intérêts, et d'une suspension du journal pour une durée de 2 mois. Le journal est poursuivi en diffamation et injure à la personne du colonel Al-Kadhafi, suite aux révélations se rapportant au financement du projet dit de “reconstitution du Grand-Sahara” par le Guide libyen, publiées les 3 et 12 août 2006 sur la foi de déclarations de dignitaires touareg d'Algérie et du Mali recueillies sur place par la journaliste. Les deux articles incriminés ne faisaient que reprendre les faits et compléter les informations après que Al-Khadafi eut déclaré son intention d'établir une “charte” des tribus targuie vivant dans pas moins de dix Etats africains dont l'Algérie, en prélude à la création d'une “confédération saharienne”. Ce projet, annoncé publiquement à Tombouctou (Mali) en avril 2006 par Al-Khadafi en personne, avait été rapporté et abondamment commenté par la presse internationale. Aussi et en l'absence d'éléments constitutifs de l'outrage ou de la diffamation, tel que démontré par la défense d'Echourouk, ce procès qui pose un précédent grave pour la liberté de la presse en Algérie, révèle-t-il une connivence politique supérieure et inédite. C'est en effet la première fois qu'un chef d'Etat étranger assigne un journal algérien en justice, non parce qu'il a été outragé; mais parce qu'il juge un reportage inexact. Où allons-nous si des souverains qui empêchent la liberté de la presse dans leur pays, entreprennent de bloquer celle qui a été arrachée en Algérie au prix de sacrifices historiques ? Le comité Benchicou pour les libertés Alger, le 2 novembre 2006