La cour d'appel d'Alger a prononcé hier le verdict dans le procès en appel ayant opposé le journal arabophone Echourouk au guide libyen, le colonel Mouammar El Kadhafi. La peine de prison a été ainsi allégée. De six mois de prison ferme, elle a été ramenée à six mois avec sursis pour le directeur de la publication, Ali Fodhil, et la journaliste, Naïla Berrahal, auteur des deux articles incriminés. L'amende et la suspension du journal ont été annulées. Les dommages et intérêts, qui s'élevaient à 500 000 DA, ont été revus à la baisse. Ils sont fixés à 50 000 DA. Le verdict a été accueilli favorablement par les avocats de la défense du journal. « C'est une victoire pour nous. La justice a rendu une décision qui honore le pouvoir judiciaire, parce que la plainte a été déposée par un chef d'Etat connu pour ses sautes d'humeur et ses positions par rapport aux questions arabes et africaines », nous a déclaré Me Khaled Beurghel, avocat de la défense. Il estime, en outre, que « le pouvoir judiciaire a su dénouer cette affaire délicate et sensible et a réussi à faire l'équilibre ». Cela étant, pour l'avocat, cette décision reste « sujette à un pourvoi en cassation », jugeant la condamnation à la prison — quand bien même n'est pas ferme — comme une « atteinte à la liberté de la presse ». Pour le directeur de la rédaction du quotidien Echourouk, Anis Rahmani, cette sentence signe la fin d'un cauchemar qui taraudait le personnel et les dirigeants du journal depuis la condamnation en première instance le 31 octobre 2006. « Même avec la peine de prison avec sursis, on se sent plus rassurés du fait que la peine de fermeture du journal a été écartée », nous a-t-il indiqué hier, après le verdict. Considérant la peine de prison comme une atteinte à la liberté d'expression, notre interlocuteur a précisé que la direction du quotidien est résolue à se défendre, encore davantage, devant la Cour suprême pour qu'elle obtienne l'acquittement pur et simple dans cette affaire, qualifiée de « politique ». Pour rappel, le 21 mars 2007, le procureur près la cour d'appel d'Alger a requis 12 mois de prison ferme et 500 000 DA (5500 euros) d'amende contre les deux journalistes, ainsi que la suspension du journal pour une durée d'un an. En première instance, le 31 octobre 2006, le tribunal d'Hussein Dey (banlieue est d'Alger) avait condamné les journalistes à six mois de prison ferme, 20 000 DA (220 euros) d'amende et 500 000 DA (5500 euros) de dommages et intérêts. Le juge s'était inspiré de l'article 144 bis du code pénal relatif au délit de diffamation envers le chef de l'Etat, délit passible de 12 mois de prison. Le tribunal avait également prononcé la suspension du quotidien Echourouk pendant deux mois. Ali Fodhil et Naïla Berrahal avaient fait appel de ce jugement, qualifié par leur avocat, Me Khaled Beurghel, de « très sévère par rapport aux faits ». L'appel étant suspensif de la peine, les journalistes sont restés en liberté. Le colonel Mouammar Kadhafi avait, faut-il le rappeler, engagé des poursuites judiciaires contre Echourouk pour « diffamation », après la publication par ce quotidien, en août 2006, de deux articles mettant à nu des « agissements d'agents libyens » à l'extrême Sud algérien en vue de ramener les Touareg à adhérer au projet du Grand Sahara, annoncé de la mosquée de Tombouctou (Mali) en avril 2006 par Mouammar Kadhafi. L'idée d'un Grand Sahara, telle que voulue par le guide libyen, est de créer un ensemble géographique et ethnique qui regrouperait les Touareg, les Arabes, les Toubous, les Sonraïs, les Bambaras, les riverains du Nil, les habitants du Soudan, du Sinaï, de la Jordanie et de la péninsule arabique. Autrement dit, toutes les ethnies qui habitent le Sud, notamment subsaharien. Cette initiative a suscité la « colère » de l'ensemble des pays visés, notamment l'Algérie.