Dans le cadre du projet “Citoyenneté et reconstruction du dialogue” financé par l'Union européenne et le Comité international pour le développement des peuples (CISP), une ONG italienne, la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), a organisé, jeudi, au siège de Tizi Ouzou, un séminaire de formation sur l'institution judiciaire. Me Hanoun, qui a animé le séminaire, a explicité dans son intervention toutes les étapes vécues par la justice algérienne depuis l'indépendance. D'emblée, l'orateur s'interrogera : “Sommes-nous dans un système qui fait de la justice un pouvoir ou une fonction ?” Les deux textes fondamentaux de l'Algérie, les Constitutions de 1963 et 1976 en l'occurrence, avaient fonctionnarisé le système judiciaire. Il fallait attendre la Constitution de 1989 qui se proposait d'organiser les pouvoirs. La justice est définie de fait comme étant un pouvoir. C'est ce virage important sur le plan politique et constitutionnel qui sera confirmé par la révision constitutionnelle de 1996 en consacrant dans les textes l'indépendance de la justice. “Le pouvoir judiciaire est indépendant, il s'exerce dans le cadre de la loi”, stipule une disposition constitutionnelle. Aux yeux du conférencier, dans la pratique, le pouvoir judiciaire n'en est pas un. Il s'appuie sur son expérience de praticien du droit pour conforter sa thèse. “De fait, le pouvoir judiciaire dépend du pouvoir politique”, affirme- t-il, avant de lâcher : “L'indépendance de la justice est une notion vaine chez nous.” Dans l'absolu, le juge de siège n'a pas de hiérarchie dans l'exercice de ses fonctions, dira Salah Hanoun, qui citera trois exemples qui contredisent l'indépendance du pouvoir judiciaire. L'invalidation du congrès du FLN, l'affaire Benchicou et les évènements de 2001 en Kabylie sont pour Me Hanoun, autant d'exemples qui ont mis à mal le pouvoir judiciaire. “Il s'agit bel et bien de cas d'interférence du politique dans la justice”, dénonce-t-il par ailleurs. Il conclut à un constat de faille dans le secteur de la justice. C'est le même constat fait par la commission présidée par le professeur Issad, qui a recommandé l'urgence d'une réforme structurelle à même d'aboutir à une véritable indépendance de la justice. C'est cet impératif d'indépendance de la justice qui conditionne l'Etat de droit, notera encore le conférencier, qui n'a pas manqué de suggérer une évolution politique et sociétale. La LADDH a déjà organisé, toujours avec l'appui de l'UE et du CISP italien, deux séminaires sur le droit du travail, l'Etat et la démocratie, la constitution et les institutions algériennes. Ces cycles de formation sont ouverts aux militants associatifs et autres acteurs de la société civile. YAHIA ARKAT