Alors que le Chef du gouvernement britannique fait preuve d'une certaine flexibilité, le président américain campe sur ses positions et refuse de repousser la date de l'ultimatum d'un mois comme le demandent quelques membres du Conseil de sécurité. Devant être présentée mardi aux membres du Conseil de sécurité, la résolution parrainée par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne faisait jusqu'à hier l'objet de tractations au siège des Nations unies. Des amendements au premier texte, plus conciliants, circulent au siège des Nations unies depuis mardi. L'annonce officielle du recours au droit de veto par la France et la Russie a sans nul doute donné à réfléchir aux partisans d'un désarmement par la force du régime de Saddam Hussein, qui prennent le soin cependant de ne pas fixer la date exacte de la présentation au vote de la résolution-ultimatum pour entretenir la pression. Selon des indiscrétions de responsables américains, l'opération de vote pourrait avoir lieu aujourd'hui. La sérieuse opposition affichée par l'Elysée et le Kremlin n'est sûrement pas étrangère au silence radio de Washington et l'évocation par Londres d'une possible modification de la date de l'ultimatum, 17 mars, pour tenter de rallier à son camp les pays indécis. L'hypothèse formulée par les Britanniques n'a pas été appréciée par le locataire du bureau ovale. C'est une première fissure dans le bloc que présentaient jusque-là Américains et Britanniques, estiment certains analystes de la question irakienne. Le recul de Tony Blair s'explique par la fronde d'un certain nombre de membres de son cabinet et de près de la moitié des députés travaillistes, qui affichent, sans retenue, leur rejet de la politique irakienne du Premier ministre. L'avenir politique de Blair tout comme celui de Bush, dont la popularité à l'intérieur et à l'étranger est sérieusement entamée, dépendent de l'issue du conflit irakien. Mais, contrairement à son allié britannique, qui fait preuve parfois de modération lorsqu'il est acculé, le chef de la Maison-Blanche fait la sourde oreille. Cette attitude empreinte de mépris vis-à-vis de ses opposants, en particulier, et de la communauté internationale, en général, ne peut qu'augmenter le capital sympathie dont jouit le peuple irakien, bien que Saddam Hussein soit considéré par beaucoup comme un despote ne méritant aucune indulgence. Le président américain réduit les chances d'adoption de sa résolution-ultimatum en n'accédant pas à la requête de plusieurs membres du Conseil de sécurité demandant le report de la date fatidique du 17 mars. En acceptant un report, il pourrait gagner les voix des six pays membres non permanents du Conseil de sécurité indécis, qui réclamaient mardi que cette date-butoir soit repoussée d'un mois ou de quarante cinq jours, délai qui permettrait de contrôler si l'Irak désarme réellement et à quel stade est arrivée l'opération. La balle est dans le camp de George Bush, qui ne peut se permettre de défier toute la communauté internationale et surtout de violer la charte des Nations unies en déclenchant une guerre contre Bagdad sans le feu vert du Conseil de sécurité. Pour l'instant, il se limite à proposer de repousser le délai de quelques jours seulement, sachant pertinemment que cela n'agrée pas ses détracteurs. Les premiers signes d'une cassure entre Londres et Washington apparaissent. Davantage de pression de la part des partisans d'un désarmement de l'Irak fera probablement reculer encore plus le président américain et le Chef du gouvernement britannique. K. A. DONALD RUMSFELD Les Etats-Unis iront en guerre même sans la Grande-Bretagne Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, n'a pas exclu mardi que les Etats-Unis puissent aller en guerre contre l'Irak, au besoin sans la Grande-Bretagne. Interrogé sur un éventuel refus du Parlement britannique d'une participation militaire, si le président George W. Bush décidait du recours à la force, M. Rumsfeld a répondu : “Ce qui sera décidé finalement” à Londres, en fonction d'une résolution de l'ONU, “n'est pas clair”. Mais, “s'ils peuvent participer, ils sont les bienvenus. S'ils ne pouvaient pas participer, il y a des façons de contourner les choses, et donc, ils ne seraient pas impliqués, du moins dans cette phase” dans une possible intervention, a déclaré M. Rumsfeld à la presse. A la question de savoir si Washington entrerait en guerre sans son plus proche allié, M. Rumsfeld a répondu: “C'est une question dont le président s'occupera, dans les jours à venir, vraisemblablement”. Dans tous les cas, les Britanniques seraient impliqués dans la reconstruction de l'Irak, après le départ de Saddam Hussein, a ajouté le ministre américain.