La déclaration franco-germano-russe a été publiée à quelques heures du sommet qui s'est tenu hier dans l'archipel portugais des Açores. La France, l'Allemagne et la Russie ont lancé samedi «un appel solennel» commun pour éviter une guerre contre l'Irak. Ces trois nations ont proposé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU au niveau ministériel la semaine prochaine pour arrêter un calendrier de désarmement de l'Irak. Dans leur appel, ils relèvent que «rien ne justifie, dans les circonstances présentes, de renoncer au processus d'inspection ni de recourir à la force». Soutenues par la Chine, la France l'Allemagne et la Russie, toutes trois siégeant au Conseil de sécurité, réaffirment leur position quant à l'usage de la force, ce dernier, insistent les signataires, «ne peut être qu'un dernier recours». Aussi appellent-elles «solennellement l'ensemble des membres du Conseil de sécurité à tout mettre en oeuvre pour que prévale la voie pacifique retenue en priorité par le Conseil de sécurité et soutenue par l'immense majorité de la communauté internationale». Une réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel, «immédiatement après» la remise du rapport à l'ONU des chefs des inspecteurs en désarmement est prévue pour demain. Cette réunion devra «approuver les tâches prioritaires du désarmement et arrêter un calendrier de mise en oeuvre à la fois exigeant et réaliste», affirment les trois pays. La France, dont le président a proposé, dans un entretien accordé à CNN, un recul de l'ultimatum d'un mois, est prête, selon son ministre des Affaires étrangères, «à un compromis sur un calendrier, très resserré, mais pas sur l'ultimatum (tel que préconisé par les Etats-Unis Ndlr), pas sur un recours automatique à la force». Dans leur déclaration tripartite, Paris, Berlin et Moscou soulignent que «les rapports successifs (des chefs des inspecteurs de l'ONU, MM. (Hans) Blix et (Mohamed) Al-Baradei) au Conseil de sécurité ont montré que ces inspections produisent des résultats». Et d'ajouter: «Le désarmement de l'Irak est engagé. Tout indique qu'il peut être mené à son terme dans des délais rapides et en respectant les règles que le Conseil de sécurité a fixées.» La déclaration franco-germano-russe a été publiée à quelques heures du sommet qui s'est tenu hier dans l'archipel portugais des Açores et qui a regroupé le président américain George W.Bush, le Premier ministre britannique Tony Blair et son homologue espagnol José Maria Aznar. Paris, Moscou et Berlin avaient déjà publié une déclaration commune à l'issue d'une réunion de leurs ministres des Affaires étrangères, le 5 mars à Paris, pour prévenir qu'ils «ne laisseraient pas passer un projet de résolution qui autoriserait un recours à la force». A travers cette déclaration, ceux qu'on qualifie de colombes du Conseil de sécurité semblent avoir la ferme intention de résister à la poussée guerrière des «faucons» qui, plus le temps passe, plus ils perdent du terrain face à une opinion publique mondiale qui montre des signes évidents d'hostilité à la position anglo-américaine. La France, l'Allemagne et la Russie sont d'autant plus déterminées à éviter la guerre que les sondages réalisés, tant en Grande-Bretagne qu'en Espagne, donnent les partisans de la paix largement majoritaires au sein des opinions de ces pays. Même aux Etats-Unis la tendance est au revirement, ce qui donne du poil de la bête aux partisans de la paix en Irak. C'est en fait une course contre la montre, avec la différence que le temps joue pour les «colombes». Le pressing qu'elles exercent sur le Conseil de sécurité pour éviter un ultimatum rapproché pourrait être payant, au sens que plus l'actuel statu quo durera, plus les gouvernements va-t-en-guerre de l'Angleterre, de l'Espagne et des Etats-Unis, auront à faire face à une crise politique interne, conséquence de leur positionnement sur le dossier irakien. En d'autres termes, la guerre annoncée a déjà trouvé son champ de bataille en Occident avant de s'exporter en Orient.