Patron de l'Europe depuis hier, pour une durée de six mois, le Premier Ministre britannique, Tony Blair, va tenter de lui appliquer quelques-unes de ses recettes, dont un alignement intégral sur l'atlantisme. La tâche, évidemment, ne sera pas de tout repos pour cet allié inconditionnel de l'Amérique bushienne, mais il a d'autant plus les mains libres que l'EU est en crise depuis le rejet par les électeurs français de la Constitution européenne devant donner un visage politique à l'Europe. Cette dernière est, en effet, à bout de souffle, ses différences ayant éclaté les 17 et 18 juin à Bruxelles où, parmi ses 25 membres, seul Blair affichait une mine réjouie. Le séisme causé par le non français suivi par celui des Néerlandais, a obligé les chefs d'Etat à repousser la date limitée de ratification du projet de Constitution à 2007, la plupart d'entre eux ayant annoncé la suspension des référendums initialement prévus. De nombreux chefs de gouvernement n'ont pas hésité à faire porter le chapeau de la crise à Blair, lequel profitant du désarroi provoqué par les référendums français et néerlandais devait donner un coup de pied dans la fourmilière en reposant la question des subventions agricoles et de la défense des acquis sociaux qui, selon lui, empêchent l'Europe de gagner la place qui est la sienne dans la mondialisation. Pour le néo-travailliste Blair, qui vient d'entamer son troisième mandat, le Vieux Continent n'a pas d'autre issue que de se mettre à l'école de l'économie britannique où, effectivement, les indicateurs sont au vert mais grâce à la flexibilité du travail, aux emplois précaires et à une couverture sociale insignifiante. Le Britannique, dont le succès est redevable à Mme Thatcher, la conservatrice qui, au prix d'une casse sociale indicible, avait effacé du paysage britannique l'idée même d'Etat régalien, plaide quand même en faveur d'un redéploiement du budget européen vers la recherche et l'innovation technologique pour permettre au Vieux Continent d'affronter les rivaux américains et faire face au dynamisme chinois et indien, lesquels, d'ores et déjà, sont en pole position dans le marché mondial du XXIe siècle. Blair, le plus atlantiste parmi les atlantistes, tentera de convaincre la vieille Europe (France, Allemagne et Belgique) sur plus d'alignement sur les Etats-Unis auxquels il est lié entièrement. Cependant, il se défend d'être ce néolibéral dont l'accuse ses pairs. Pour preuve, il va se faire l'avocat de l'Afrique au sommet du G8 à Gleneagles, du 6 au 8 juillet. D. BOUATTA